Equicoaching : les étudiants mettent le pied à l’étrier pour développer leurs softs skills
Travailler la confiance en soi, apprendre à coopérer et à s’adapter : c’est ce que promet l’équicoaching, une pratique qui se développe notamment en école de commerce. Face au cheval, les étudiants doivent se reposer sur leurs compétences en communication non verbale pour diriger.

Anne Musson, professeure HDR en sciences économiques à l’Essca, préparatrice mentale et équicoach, explique l’apport du coaching avec des chevaux pour les futurs managers. Mais aussi, potentiellement, aux dirigeants, enseignants et personnels de l’ESR.
Dans quel cadre est proposé l’équicoaching à l’Essca ?
Anne Musson : À la rentrée universitaire 2024, un nouveau programme intégré a permis de proposer de la préparation mentale. Dans un premier temps, nous avons proposé une conférence sur la gestion du stress pour tous, y compris les personnels. J’ai ensuite sélectionné dix étudiants pour un accompagnement spécifique.
Les motivations étaient diverses mais tous avaient un projet. Il y avait des étudiants en alternance, souvent sur deux villes différentes, parfois en situation de management, et des étudiants sportifs de haut niveau (escrime, footsal). Mais aussi une étudiante qui souhaitait s’améliorer au niveau de la prise de parole en public et une autre qui montait un festival de danse.
Le programme s’est étendu sur six mois, avec un stage de préparation mentale à Angers. Et dans ce cadre, j’ai organisé une journée d’équicoaching — que je pratique habituellement avec des managers —, avec une équicoach cavalière professionnelle, qui a son écurie.
L’an prochain, l’idée est de poursuivre ce dispositif avec un groupe d’une vingtaine d’étudiants en parcours engagement de l’Essca. Ce sont des profils avec des doubles projets : artistes, chanteurs, sportifs de haut niveau, aidants, pompiers, etc.
Ce coaching pourrait aussi être adapté aux étudiants qui font une spécialisation entrepreneuriale ou ressources humaines, par exemple. Plus on sera amené à interagir et collaborer dans la vie professionnelle, plus l’équicoaching est intéressant.
Quelles sont les compétences développées en travaillant avec le cheval ?
L’équicoaching provoque une prise de conscience de soi, permet de travailler la manière de communiquer et collaborer, la confiance en soi, l’assertivité. Si vous ne croyez pas en ce que vous demandez, le cheval ne vous suivra pas, c’est la même chose dans la vie professionnelle.

Un exemple d’exercice individuel : l’étudiant se retrouve avec un cheval en liberté et doit lui faire faire un parcours sans lui parler ni le toucher — uniquement avec l’intention. Le cheval renvoie ce qu’il ressent. C’est une proie, à la base, très sensible à tous les signaux. La communication non verbale est très fine : il comprend chaque mouvement, entend les battements de cœur et les interprète.
Un cheval réagira très différemment selon la personne : s’il tourne la tête et fuit le regard, c’est lié au fait que le participant est mal à l’aise ; un cheval qui part au galop alors que l’exercice vise seulement à le faire marcher ou trotter explique qu’on lui envoie trop d’énergie.
Puis il y a des exercices à deux, trois ou quatre : les participants doivent guider un parcours à plusieurs, sans parler. C’est un travail qui nécessite une stratégie de coopération et d’adaptation.
En tant qu’équicoach, j’accompagne en posant des questions. Il y a souvent beaucoup de révélations. C’est une formation qui vous poursuit : ce que vous faites le jour même, vous y repensez ensuite régulièrement.
Une tendance qui se développe dans le monde de l’entreprise et essaime dans les écoles
L’équicoaching est proposé à l’IAE de Brest, mais aussi « à HEC, à la Burgundy School of Business, à Kedge, qui le vend en formation professionnelle (comme l’Essca) », note Anne Musson. Cette pratique est « presque uniquement anglo-saxonne », et particulièrement présente au Canada et aux États-Unis.
Comment évaluez-vous l’impact à court et long terme de ces séances sur les participants ?
Nous avons d’excellents retours, de la part des cadres, des managers — la directrice de l’Essca notamment —, et également de collègues qui ont fait de l’équicoaching dans une autre vie !
Cette pratique est très marquée en termes d’intensité. On coupe du milieu de l’entreprise, on crée une bulle avec le cheval, avec beaucoup d’empathie. Il y a même des personnes qui pleurent, cela renvoie à différentes palettes d’émotions, avec de l’intensité.

Pour eux, il y a un avant et un après. En débriefant il m’est arrivé de demander : « Est-ce que la jument te suivait, ou c’est toi qui la suivais ? » On m’a répondu : « Je la suivais et c’est ce que je fais avec mon équipe aussi. »
Avec des cadres de santé, par exemple : le cheval renvoyait une nervosité. « On me dit souvent que j’ai l’air sévère et méchante, mais je ne comprends pas », me raconte-t-on par exemple. Je fais notamment faire des exercices de respiration dans ce cas-là.
L’équipe de la formation continue et le directeur alumni sont venus faire de l’équicoaching également, car je les ai invités. Il est aussi question que ce soit proposé à un service de l’Essca. Ce serait adapté aussi au Comex et aux enseignants : pour travailler sur la communication, le non verbal, comment faire passer un message.
Quels sont les freins les plus fréquents chez les étudiants ?
On ne monte pas sur le cheval, il n’y a donc pas de prérequis. La seule chose qui pourrait être rédhibitoire, c’est une vraie phobie du cheval. Mais la peur se gère.
Je n’ai pas connu de frein particulier chez les étudiants, mais parfois chez les dirigeants qui arrivent en pensant que cette pratique n’a aucun rapport avec le management, que ce sera juste un moment sympathique en équipe. Finalement, ils réalisent les ponts entre pratique professionnelle et équicoaching.
Il faut aussi rassurer quant au bien-être des chevaux, qui ne sont ni formés ni dédiés à l’équicoaching. Nous disposons d’une cavalerie très diverse d’une centaine de chevaux qui sont donc rarement amenés à faire de l’équicoaching : environ quatre fois dans l’année pour celles et ceux qui sont le plus choisis.
Nous faisons attention à les remettre au pré après une séance pour qu’ils décompressent ensuite. Ce n’est pas fatigant physiquement, mais émotionnellement pour eux.
Quels conseils pour proposer de l’équicoaching dans un établissement d’ESR ?
La première étape est de se mettre en lien avec une équicoach.
Ensuite, différentes approches sont possibles :
- avec des étudiants de quatrième ou cinquième année : autour de l’insertion professionnelle, la gestion du stress en équipe ;
- ou pour des étudiants qui entrent au niveau post-bac et jusqu’à la troisième année : pour gagner en autonomie, assertivité, connaissance de soi.
Il faut prévoir d’y dédier toute une journée, ou mieux encore sur deux, et prévoir un groupe minimum de quatre à cinq personnes. Mon conseil : privilégier les petits groupes. Ainsi, tout le monde peut passer à la pratique et être en interaction avec le cheval.