Numérique

Intelligence artificielle : comment construire la feuille de route de son établissement ?


Après une phase de découverte des IA génératives, les chartes d’usages fleurissent dans les établissements du supérieur. Certains se lancent dans des expérimentations d’outils. Alors que les gouvernances se positionnent sur le sujet, l’association des DGS a organisé son colloque annuel sur ce thème.

L’association des DGS a organisé son colloque annuel sur l’IA du 2 au 4 juillet 2025 à Montpellier. - © IC / News Tank
L’association des DGS a organisé son colloque annuel sur l’IA du 2 au 4 juillet 2025 à Montpellier. - © IC / News Tank

« Nous avons une responsabilité en tant qu’employeur. Si nous n’accompagnons pas nos collaborateurs dans la compréhension et l’adoption de ces nouveaux outils, ils risquent de décrocher sur le marché du travail. Nous ne pouvons pas nous le permettre », souligne Didier Raboud, secrétaire général de l’Université de Genève, lors d’une table ronde de l’association des directeurs généraux des services (ADGS) le 4 juillet.

Pour l’établissement helvétique, l’élaboration d’une stratégie sur l’intelligence artificielle a commencé au sein de l’administration. « Le bureau de la transformation a mené une enquête interne auprès des services pour en savoir plus sur les usages. Nous avons été surpris par un taux d’adoption assez faible des utilisateurs dû à des peurs », poursuit-il.

« Quand on demande aux personnels où l’IA peut être utile, ils répondent que l’IA est utile partout, sauf dans leur cœur de métier ! », pointe-t-il avec humour.

Quelques préalables avant de définir sa stratégie

Nadia Jacoby a fondé l’agence Simone et les Robots en 2018. - © D.R.
Nadia Jacoby a fondé l’agence Simone et les Robots en 2018. - © D.R.

Avant de se lancer dans la rédaction d’une feuille de route, la consultante Nadia Jacoby suggère aux établissements du supérieur de définir en amont leur vision d’établissement.

« Que voulez-vous faire ? L’IA est un outil au service de la stratégie d’établissement », rappelle la fondatrice de Simone et les Robots, une agence de conseil en transformation digitale et expérientielle qui fait le lien entre les établissements du supérieur et les entreprises edtechs. Autre préalable : identifier où l’IA peut apporter de la valeur ajoutée.

« Pour certains métiers, l’IA peut apporter des réponses, quel que soit l’établissement. Mais en fonction des spécificités de votre organisation, où la valeur ajoutée de l’IA est-elle la plus forte ? »

Elle conseille également d’identifier les ressources humaines et financières disponibles, avant de se lancer dans des projets. « Construire une feuille de route puis se rendre compte qu’on ne dispose pas des moyens humains et financiers pour la mettre en place peut être déceptif », prévient-elle.

« La qualité de la donnée est centrale. Vous pouvez avoir les meilleurs outils de la Terre, mais si vous avez des informations contradictoires dans vos données, cela va être compliqué », dit-elle en citant l’exemple des établissements ayant plusieurs sites internet, avec des informations différentes. Enfin, la consultante incite aussi les organisations à définir des objectifs plus ou moins ambitieux.

Les cinq étapes pour construire sa feuille de route

La fondatrice du cabinet Simone et les Robots identifie les cinq étapes permettant à un établissement de construire et déployer une feuille de route sur l’IA :

  • Une phase d’initialisation pour repérer les pratiques existantes et les usages contraires au cadre fixé par l’établissement. « Les agents qui font du Shadow AI ont sans doute acquis des compétences que vous ne soupçonniez pas et peuvent être moteurs pour le déploiement de l’IA », avance Nadia Jacoby.
  • Une étape de cadrage. « On ne veut pas tout faire tout de suite, donc savoir ce que l’on veut faire, par quoi commencer et avec quelles équipes est essentiel, pour ne pas se limiter à des petites expérimentations isolées. »
  • La phase d’expérimentation avec un passage à l’action et un bilan. « L’évaluation est fondamentale pour savoir si on passe à l’étape d’après. Le no-go ne veut pas forcément dire qu’on abandonne un projet, mais peut-être qu’on va l’essayer différemment ou avec un autre outil. »
  • La phase de consolidation pour les projets aboutis avec l’affectation d’une équipe et de moyens au projet.
  • Le passage à l’échelle dans l’établissement.

« Pour tirer le meilleur parti de l’IA, il faut que nos organisations passent d’une ère où l’IA permet d’optimiser les process (plus vite, avec des économies humaines…) à une ère où l’IA permet de réinventer les organisations », ajoute celle qui est aussi vice-présidente de l’association EdTech France.

« L’IA n’est pas un énième outil qui va changer à la marge ce que nous faisons, c’est un nouveau paradigme technologique qui doit permettre de transformer profondément nos organisations dans leur ensemble », conclut-elle.

Quelle stratégie du ministère sur l’IA ?

En décembre 2024, le ministère a confié une mission dédiée à l’intelligence artificielle au sein des établissements publics à François Taddei, président du LPI et Frédéric Pascal, directeur de l’institut DataIA et vice-président IA de l’Université Paris-Saclay.

Les deux porteurs de mission ont réalisé des entretiens avec une centaine de personnes, diffusé un questionnaire à la communauté de l’ESR qui a recueilli plus de 30 000 réponses, et effectué des visites en France et à l’étranger, notamment à Taïwan. Leurs conclusions doivent être rendues en juillet 2025.

De son côté, le Comité numérique pour la réussite étudiante et l’agilité des établissements (Coreale), instance coprésidée par le ministère et France Universités, a déjà produit un rapport sur les impacts de l’IA en pédagogie avec plusieurs recommandations.