Vie des campus

5 conseils pour monter un projet de « Science avec et pour la société » (SAPS) avec des scolaires


Concevoir un projet de Science avec et pour la société (SAPS) à destination d’un public scolaire peut représenter un défi pour un enseignant-chercheur habitué à travailler avec des étudiants. Marina Duféal, maîtresse de conférences en Géographie à l’Université Bordeaux Montaigne, livre cinq recommandations issues de son expérience avec des collégiens.

5 conseils pour monter un projet de « Science avec et pour la société » (SAPS) avec des scolaires
5 conseils pour monter un projet de « Science avec et pour la société » (SAPS) avec des scolaires

« De la maternelle à l’université, les enseignants sont confrontés aux mêmes problématiques, notamment en matière d’inégalités sociales, d’accès aux savoirs et d’engagement des élèves », introduit Marina Duféal, maîtresse de conférences en Géographie à l’Université Bordeaux Montaigne. Selon elle, les actions de SAPS menées avec des scolaires et leurs professeurs sont un moyen d’engager le dialogue. « Elles incarnent une idée de passerelle pour favoriser le passage des élèves du collège au lycée et du lycée à l’université ».

L’enseignante-chercheuse, engagée de longue date dans le mouvement de la science ouverte, a coordonné un projet intitulé « Carnet de terrain d’un·e élève de 5e : ma carto-partie OpenStreet-Map sur le campus UBM en roman-photo ». En mai 2025, 48 élèves du collège Gérard Philipe de Pessac ont exploré le campus de l’université et noté leurs observations pour enrichir la base de données géographiques du projet collaboratif mondial OpenStreetMap. Ils ont ensuite rendu compte de leur journée sous forme d’un roman-photo mêlant réel et imaginaire.

Le projet, né d’une démarche personnelle de la maîtresse de conférences a bénéficié d’un accompagnement et d’un financement grâce au label Science avec et pour la société (SAPS) obtenu par l’UBM en juin 2024. Forte de plusieurs expériences en la matière, Marina Duféal partage conseils et pistes pour profiter pleinement de l’aventure.

Prévoir du temps et une coordination solide

Marina Duféal, maîtresse de conférence en Géographie à l’Université Bordeaux Montaigne - © by sa Veroniki
Marina Duféal, maîtresse de conférence en Géographie à l’Université Bordeaux Montaigne - © by sa Veroniki

Mettre en œuvre une action de SAPS avec des scolaires requiert un investissement fort de tous les participants. « Cela peut être très chronophage et demander beaucoup d’énergie », explique Marina Duféal. L’enseignante-chercheuse salue notamment « l’incroyable travail » de ses collègues du secondaire engagées pendant deux mois dans un suivi « quasiment journalier » du projet, et celui non moins « énorme » des élèves tant à l’université qu’au collège, voire à la maison.

Pour les encadrants, les contraintes à anticiper sont notamment d’ordre logistique : « Il faut jongler avec les emplois du temps des uns et des autres, obtenir toutes les autorisations nécessaires (dont celles des parents pour le droit à l’image), trouver des salles… ».

Afin de réussir à tenir les délais, il est crucial de garder à l’esprit les différentes étapes du programme et de prévoir des marges réalistes. Une coordination solide est de rigueur, surtout si la personne chargée de cette fonction le fait pour la première fois.

S’adapter au public sans le sous-estimer

Lorsqu’un projet s’adresse à des scolaires, il peut être nécessaire de l’adapter à l’âge des participants ou aux attendus des programmes auxquels il s’adosse. Il ne faudrait pas cependant sous-estimer les élèves. Qu’elle présente l’OpenStreetMap à des étudiants de Master, à des primaires ou à des collégiens, Marina Duféal tient peu ou prou les mêmes discours, avec le même champ lexical : « Je pars du principe qu’il n’y a pas de raison que je fasse un cours différent. J’essaye de ne jargonner ni avec les uns ni avec les autres ».

Si elle écarte tout de même, au collège, quelques concepts ou mots difficiles et synthétise ses explications pour les faire tenir sur la durée d’une séance, elle conserve un niveau d’exigence élevé, à la hauteur des enjeux du projet. Il s’agit notamment de faire comprendre aux élèves l’importance de garantir la qualité et la validité de l’information apportée. Ils se trouvent ainsi responsabilisés, engagés dans une démarche scientifique citoyenne.

« Cette complexité de la parole universitaire n’enferme pas », précise la maîtresse de conférences qui a pu observer des élèves « très réactifs ». Elle est, de toute manière, accompagnée par des explications des professeurs d’histoire-géographie des collégiens qui « recadrent systématiquement ce qui est dit par rapport aux attendus du programme et à leur connaissance des élèves ».

Une élève de 5e lit une scénette du roman-photo mis en page par l’artiste-graphiste Valérie Salerno - © Agathe Huteau
Une élève de 5e lit une scénette du roman-photo mis en page par l’artiste-graphiste Valérie Salerno - © Agathe Huteau

Ouvrir le champ des possibles et « déconstruire les imaginaires »

En allant à la rencontre des collégiens et en les accueillant à l’université, l’enseignant-chercheur peut faire évoluer le regard qu’il porte sur l’institution et, pourquoi pas, créer des vocations. Marina Duféal n’a, à cet égard, pas choisi son terrain de carto-partie au hasard. « L’un des objectifs du projet est de faire que le campus soit perçu ou vécu comme un espace commun, que les élèves puissent se projeter dans des études supérieures. Il s’agit de déconstruire certains imaginaires liés à la poursuite d’études, à l’université mais aussi aux disciplines », explique-t-elle.

Le numérique par exemple « n’est pas une affaire de garçons ». Quant à la géographie, elle avait « la volonté de montrer que c’est autre chose que des atlas ou des noms de capitales et qu’on peut aussi, à hauteur d’enfant, participer à un projet mondial comme le projet OpenStreetMap en venant alimenter cette base de données ».

Changer de perspectives

L’entreprise menée ne se limite pas à la déconstruction d’idées reçues. Elle s’accompagne d’un désir d’élaborer du commun en « métissant les regards et les savoirs ». L’ouverture, maître-mot des SAPS, est ici multidimensionnelle (géographique, sociale, disciplinaire, etc.). Elle implique un changement de perspective pour les élèves, qui passent de spectateurs à acteurs, mais aussi pour les universitaires et les enseignants du secondaire amenés à échanger sur leurs pratiques pédagogiques. « J’apprends autant en étant au contact des élèves et de leurs professeurs qu’ils apprennent sur l’OSM », se réjouit l’enseignante-chercheuse.

Se faire plaisir

La réussite d’un projet ne se mesure pas uniquement à la quantité et à la qualité du travail achevé. Elle dépend aussi de la satisfaction qu’y trouvent les participants. Pour cela, pas de recette magique mais un ingrédient clef : la liberté. Celle-ci n’est jamais totale mais elle trouve une place de choix dans les actions de SAPS qui encouragent le dialogue et la créativité, notamment en investissant les champs fictionnels.

Le choix d’un format « non académique » comme le roman-photo pour rendre compte de l’expérience de carto-partie permet, par exemple, aux élèves de s’amuser en faisant preuve d’imagination et d’humour. « Le plaisir est vraiment un moteur dans le travail, constate Marina Duféal. Et les productions des élèves montrent bien que l’on peut être sérieux en faisant de l’humour et faire passer plein de choses ».

Le label Saps

Depuis 2021, le label « Science avec et pour la société » (SAPS), délivré par le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, accompagne et finance les établissements dans le développement de projets favorisant le dialogue entre les sciences et la société en soutenant la médiation, la vulgarisation, la participation citoyenne à la recherche et la valorisation des savoirs auprès de tous les publics. Il est financé par le programme d’investissement France 2030.