Vie des campus

JPO virtuelles : premier bilan à chaud

Par Marine Dessaux | Le | Relations extérieures

Clés pour l’orientation des étudiants et stratégiques pour les établissements, les journées portes ouvertes (JPO) n’ont pas pu se tenir en présentiel cette année.

Les établissements ont cependant rebondi en organisant ces évènements en virtuel. Une façon de présenter les formations qui diffère d’un salon numérique à l’autre, selon les partis-pris, les prestataires sélectionnés et les objectifs visés. Retour d’expérience.

« Avoir une interface soignée et design pour nos JPO était un élément important », dit Valérie Bouba. - © Université Paris Dauphine-PSL
« Avoir une interface soignée et design pour nos JPO était un élément important », dit Valérie Bouba. - © Université Paris Dauphine-PSL

Pensées pour présenter l’offre de formation des établissements du supérieur et leur environnement, les journées portes ouvertes sont des événements d’orientation incontournables. Malgré la crise sanitaire, elles sont restées un enjeu majeur qu’il n’était pas question d’annuler.

« Il n’a jamais été envisageable de ne rien faire, nous nous devions d’avoir ce temps de rencontre avec les étudiants, déclare Claire Boitard, responsable des admissions à l’Université PSL. Les journées dédiées aux lycéens et aux masters à Dauphine-PSL sont des rendez-vous qui drainent plusieurs milliers de personnes chaque année, ce sont des moments importants de découverte de l’établissement. »

Même postulat à l’Université Grenoble Alpes comme en témoigne Florence Courtois, chargée de mission orientation, accompagnement, réussite : « La journée du lycéen a lieu depuis des années, c’est un rendez-vous incontournable.  C’est pourquoi dès septembre, nous avons réfléchi à la façon dont on pourrait la maintenir malgré l’impossibilité de le faire présentiel ».

Un événement différent qui doit rester immersif et interactif

Université Dauphine-PSL : « Repenser la constitution même du salon »

Pour configurer les portes ouvertes virtuelles, il n’était pas question de « faire du copier-coller », confie Valérie Bouba, à la direction de la communication, le département en charge de l’organisation et du pilotage de cet événement avec la direction de la formation et de la vie étudiante de l’Université Paris Dauphine-PSL. « Nous avons donc été obligés de repenser la constitution même du salon », explique-t-elle.

Concrètement, sur la plateforme virtuelle de l’université, créée par le prestataire ExpoPolis, l’utilisateur arrive dans un hall et se dirige ensuite vers un des stands interactifs, regroupés par disciplines. L'étudiant y trouve des enseignants et étudiants, disponibles pour échanger via un chat collectif ou seul à seul.

Spécifiquement préparés pour s’adapter aux exigences du format numérique, des vidéos de présentation et webinaires sont également accessibles. Autre particularité, des thématiques habituellement regroupées sous l’intitulé « vie étudiante » ont désormais leur propre stand : celle du logement, du handicap et du sport. En outre, l’Université PSL a bénéficié d’un hall dédié.

À l’Université Grenoble Alpes : « Maintenir l’interaction » 

A l’UGA, « Nous avons choisi de faire une entrée par domaine de formation et non type de diplôme : cela ouvre le champs des possibilités », dit Florence Courtois - © Université Grenoble Alpes
A l’UGA, « Nous avons choisi de faire une entrée par domaine de formation et non type de diplôme : cela ouvre le champs des possibilités », dit Florence Courtois - © Université Grenoble Alpes

« Nous avons des sites de présentation de nos licences, nos DUT, IUT etc. Et nous aurions pu simplement rediriger vers ça, mais l’objectif n’était pas de recréer ce qu’on a fait en présentiel, c’était maintenir l’interactivité, témoigne Florence Courtois, à propos de l’événement de l’Université Grenoble Alpes (UGA). Le point principal de notre cahier des charges était de faire perdurer cette spécificité de la journée du lycéen qui accueille 10 000 personnes chaque année sur notre grand campus. »

C’est donc notamment sur cet aspect qu’a été sélectionné le prestataire Inside Outside. « Il s’agit d’une entreprise située à proximité du campus qui l’habitude d’organiser des événements interactifs, mais plutôt pour les entreprises. L’ergonomie de ce service pour les utilisateurs ainsi que la proximité géographique de l’entreprise, pour des échanges en présentiel, ont été des points forts », précise Florence Courtois.

Par ailleurs, au-delà les échanges sur le salon virtuel, l’esprit festif habituellement présent sur le campus a été retranscrit sur les réseaux sociaux, via un concours Instagram et un live Facebook, avec le vice-président étudiant notamment.

Et la visite des lieux ?

C’est ce qui manque de façon flagrante dans le virtuel : la possibilité de visiter le campus, de s’imprégner de son atmosphère. Un point qui devra être adressé, si ce genre d’événement voit à nouveau le jour, à l’Université Dauphine.

« Même dans l’optique d’un format hybride, nous voudrions mettre plus les locaux en scène », indique Valérie Bouba. À l’UGA, deux initiatives veulent pallier ce manque : une visite virtuelle à partir d’une carte interactive et un ‘combitour’ filmé

Attirer un public plus large…

Valérie Bouba, directrice de la communication à l’Université Paris Dauphine-PSL - © D.R.
Valérie Bouba, directrice de la communication à l’Université Paris Dauphine-PSL - © D.R.

Les JPO virtuelles ont l’avantage principal de s’adresser à un public plus large. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : à l’université Dauphine-PSL, la journée des masters a attiré 3 080 visiteurs, contre 1 080 en présentiel, et le samedi des lycéens a vu 3 200 personnes connectées contre 4 200 l’an dernier. Malgré un chiffre apparemment en baisse, le nombre de visiteurs lycéens est en réalité en hausse. « En présentiel, les parents accompagnent souvent leurs enfants, en distanciel, ils sont moins nombreux à avoir leur propre session. Les familles peuvent partager le même écran », explique la directrice de la communication.

A l’UGA, sur la journée des lycées seule, 7 200 personnes se sont connectées et 2 000 ont pu découvrir ou revenir sur les lieux - sans les options de chat et d’échanges - depuis. C’est l’avantage du numérique : les portes virtuelles peuvent être ouvertes avant et longtemps après le rendez-vous d’une journée, aligné sur l’ouverture de Parcoursup (du 23 janvier jusqu’au 12 février pour l’Université Paris Dauphine-PSL et depuis le 3 février jusqu’au mois de juin à l’UGA).

… De zones géographiques et milieux sociaux différents …

« Nous avons eu - même si c’est parfois très peu- des connexions de tous les départements de France, même de la Réunion ! », s’exclame Florence Courtois. Preuve que même si l’UGA s’adresse principalement à ses étudiants en région, elle peut en attirer de toute la France. Un constat de diversité des profils que partage Dauphine-PSL et qui s’en enthousiasme.

« Le virtuel nous a permis de remplir l’un de nos objectifs principaux : favoriser l’égalité des chances, indique Claire Boitard. En plus de permettre d’économiser un trajet jusqu’à Paris, il offre la possibilité d’avoir des échanges très qualitatifs, en privé, avec ou sans parent, un point positif pour les lycéens qui sont moins à l’aise pour poser des questions. »  

… Et plus actif !

Florence Courtois chargée de mission orientation, accompagnement, réussite à l’UGA - © D.R.
Florence Courtois chargée de mission orientation, accompagnement, réussite à l’UGA - © D.R.

Si les visiteurs restent habituellement une journée ou une demi-journée sur site lors de la journée des lycéens, « ils passent beaucoup de temps à se retrouver, à discuter », dit Florence Courtois. Mais lors des visites virtuelles, le temps passé en ligne est un temps actif.

« Comme nous ne pouvions accueillir plus de 2000 personnes instantanément sur la plateforme, nous avons été obligés de cadencer le flux des personnes préinscrites. Selon leur lycée d’origine, les visiteurs avaient une plage de deux heures pour se connecter. Et ils sont restés 1h12 en moyenne, ce qui est un temps important. »

Lors des séances de présentation, les visiteurs interagissaient également via le chat, « alors que quand on fait une séance en amphi, il n’y a aucune question », ajoute Florence Courtois.

« Le virtuel a paradoxalement permis aux gens d’être plus actifs. »

JPO sur mobile

Cela rend les journées portes-ouvertes encore plus accessibles : certaines plateformes, notamment celle de l’Université Dauphine-PSL, sont optimisées pour les mobiles et les tablettes.

Sur cette première édition en virtuelle, lors de la journée des lycéens, 20 % des connexions provenaient de mobiles et 5 % de tablettes.

Des enjeux à relever

Être plus immersif

« Si on doit garder un événement 100 % virtuel, il faudra travailler à être encore plus immersifs : réfléchir à la façon dont on pourra préparer d’autres choses pour qu’il y ait plus d’expériences sur site, anticipe Claire Boitard. Il faudra également associer des visites virtuelles au salon : des visites de la BU, de nos équipements sportifs, etc. Le faire cette année aurait voulu dire le faire sans étudiants ou avec des étudiants masqués et ce n’était pas très attractif. »

Exploiter les outils pleinement

« Nos équipes ont manqué de temps pour s’approprier la multitude d’outils disponibles, indique Florence Courtois. L’utilisation des visiorooms personnelles, notamment, n’a pas été beaucoup exploitée. »

Améliorer la coordination des équipes

« Cela a fait partie des limites, avec un temps de préparation très court : solliciter et coordonner les équipes a été un travail très conséquent, indique Valérie Bouba. Il a été plus difficile de mobiliser à distance quand en présentiel on peut réunir tous les étudiants sur site pour les briefs, répondre à toutes les questions, etc. »

Une première expérience pour de futures JPO en hybride ?

Un format hybride, mi-présentiel, mi-distanciel

« Cette expérience nous a amenés à réfléchir à un format hybride, mi-présentiel, mi-distanciel, affirme Valérie Bouba. Nous avons essayé de rebondir sur les contraintes apportées par la crise pour construire un format innovant, qui serait donc également intéressant à conserver sans être dans une situation de distanciel forcé.  La fréquentation externe accrue, particulièrement sur la journée des masters, est très intéressante en termes d’attractivité. »

Claire Boitard, Directrice recrutement et admissions à l’Université PSL - © D.R.
Claire Boitard, Directrice recrutement et admissions à l’Université PSL - © D.R.

En effet, le virtuel a semblé plaire. Le questionnaire de satisfaction du samedi des lycéens, qui a obtenu 29 % de réponses, a un score 92 % de satisfaction et celui de la journée des masters, rempli à 14 %, a obtenu 94 % de retours positifs, contre 77 % en présentiel.

Résultats plus contrastés à l’UGA qui a obtenu seulement 66 % de satisfaction globale, avec 20 % de retours - mais des visiteurs qui ont néanmoins dit à 75 % qu’ils reviendraient sur la plateforme pour récupérer des informations ou maquettes virtuelles toujours accessibles. Cette université, qui s’adresse plus particulièrement aux lycéens de région, avec des élèves qui ont plus facilement la possibilité de se rendre sur place, reste tournée vers le présentiel.

« Les équipes enseignantes se sont beaucoup impliquées et ont accepté ce distanciel, mais je ne sais pas si nous pourrons refaire ce format à l’avenir. Nous faisons des métiers où l’on aime interagir avec les gens », rapporte Florence Courtois.

Néanmoins, elle souligne l’intérêt d’avoir mis en place une visite des lieux virtuelle, pérenne, et la façon différente de mettre des informations en avant, plus ludique.

Une organisation multi-service, plus chronophage et parfois plus coûteuse

Services communication, vie étudiante, départements de formation, direction numérique, de l’insertion professionnelle … De nombreux personnels sont impliqués dans l’organisation des journées portes ouvertes.

À l’UGA, « nous avons reçu un soutien très fort des service d’accueil et d’orientation du rectorat qui ont notamment relayé notre communication, via Pronote et les ENT dans les lycées et sur les réseaux sociaux », témoigne Florence Courtois. Et bien sûr, les enseignants et étudiants sont les premiers mobilisés.

À l’UGA, 660 personnes ont été mobilisées, au moins une partie de la JDL, et à Dauphine-PSL, 250 sur l’ensemble des salons.

Une organisation d’ampleur qui n’est par ailleurs « pas moins chronophage que d’organiser un salon en présentiel », souligne Valérie Bouba.

Quant aux dépenses, les réponses varient. À l’Université Paris Dauphine-PSL, c’est « moins onéreux qu’un salon en présentiel qui nécessite des aménagements conséquents ». À l’UGA, « l’organisation de la JDL a couté plus cher que si elle avait été faite en présentiel car il a fallu rémunérer le prestataire de solution virtuelle », indique Florence Courtois.