Vie des campus

Les services internationaux entre gestion des urgences et mutation de leur rôle

Par Laura Makary | Le | Stratégies

Depuis le mois de mars, et même la fin 2019, les personnels des services internationaux des écoles et universités sont sur le qui-vive. Entre inquiétudes et émergences de nouvelles solutions, ils témoignent de la mutation de leur service.

Accueil des élèves internationaux à l’EPF - © EPF
Accueil des élèves internationaux à l’EPF - © EPF

Gérer l’urgence des situations parfois compliquées des uns, le cas d'étudiants bloqués dans un pays lointain, la déception des autres, en plus d’une incertitude permanente et pesante : voilà le nouveau quotidien de ces personnels, dont les métiers ont été bouleversés par la pandémie.

Certains nous ont même confié ne plus en avoir dormi la nuit, face à l’inquiétude de rapatrier leurs étudiants, lors du premier confinement… Car très rapidement, en mars 2020, il a fallu s’organiser, et identifier exactement où se trouvait chaque élève. ”D’autant qu’ils pouvaient changer d’emplacement, voire d’avis sur le fait de partir ou de rester dans leur pays d’accueil”, se souvient Marisol Verstraete, responsable du pôle mobilité entrante de l’école d’ingénieurs CentraleSupélec

Personne ne savait si la situation allait durer

« Je me rappelle de nos tableaux, composés de milliers de lignes, pour noter l’emplacement de chacun. Tout le monde était inquiet, personne ne savait si la situation allait durer. Les restaurants universitaires étaient alors pour la plupart fermés, on ne savait pas toujours si les transports fonctionnaient dans telle ou telle ville, bref, cela a été un casse-tête. Heureusement que notre équipe s’est montrée réactive et soudée », poursuit-elle. Finalement, le service a réussi à retrouver et entrer en contact avec tous ses élèves, mais au prix de semaines éprouvantes pour les personnels.

Incertitudes et inquiétudes

Certains se sont retrouvés face à des situations délicates, où l’on se sent impuissant. « Nous avons eu un cas problématique, un élève coincé au Maroc. Chacun de ses vols pour rentrer a été annulé, pendant des semaines. Il était isolé, totalement enfermé, les contrôles étant très stricts à ce moment dans le pays. Nous sommes entrés en contact avec lui, ses parents, le consulat… », raconte Audrey Esteves, responsable des relations internationales de l’ESC Clermont.

« Heureusement, l’établissement partenaire a été d’une grande aide et lui a permis d’être logé dans une famille, pour rompre l’isolement, jusqu’à ce qu’il puisse rentrer », ajoute-t-elle. Un soulagement, après de longues semaines de stress pour toute l’équipe.

Trouver des réponses

Stéphane Seiler est directeur du développement international de l’EPF - © D.R.
Stéphane Seiler est directeur du développement international de l’EPF - © D.R.

Le tout alors que chacun navigue à vue. Face aux questions répétées des étudiants et de leurs parents, les équipes ont dû tenter de trouver des réponses, autant que possible, alors qu’elles étaient elles-mêmes dans le noir.

”Le fait de travailler dans cette incertitude était sans doute le plus pénible. Face aux innombrables impondérables, depuis le premier confinement, nous avons tout géré au cas par cas, pour permettre la mobilité là où elle était possible et dégoter des solutions pour les autres. C’est une situation stressante, car nous sentons tout le poids de la responsabilité, de l’attente des étudiants, qui espèrent des réponses”, raconte Stefan Seiler, directeur du développement international de l’EPF.

Son équipe de sept salariés a passé du temps à chercher des informations fiables, auprès des autorités des pays concernés, des ministères français, de Campus France…

Nouvelles solutions et suivis

Malgré l’urgence, la pression, l’incertitude, il a aussi fallu faire les bons choix, afin de protéger les étudiants, tout en leur proposant des options et solutions, afin de leur offrir une expérience aussi internationale que possible, promesse de nombreux établissements.

« Pour l’année scolaire 2020-2021, nous avons d’abord décidé de ne pas permettre de mobilité à distance, si les cours de l’université d’accueil étaient annoncés en distanciel avant le départ. Dans ce cas, nous préférions que les étudiants restent sur notre site », explique Karine Michelet, responsable du service des relations internationales de Toulouse School of Management, composante de l'Université Toulouse 1.

Karine Michelet, responsable du service des relations internationales de Toulouse School of Management - © Linkedin
Karine Michelet, responsable du service des relations internationales de Toulouse School of Management - © Linkedin

"Il a fallu faire des choix rapides à l’instant T. En voyant les cours à distance se développer partout, nous avons vu que cela pouvait être une opportunité malgré tout pour nos élèves, nous leur laissons donc le choix pour l’année 2021-2022. Ainsi, désormais, pour un départ au Québec, si les campus sont fermés, ils peuvent choisir entre suivre les cours depuis la France ou depuis le Canada”, détaille-t-elle.

La plupart des établissements proposent désormais ce type d’options, depuis la France ou l’étranger. Ce qui demande une vraie flexibilité aux personnels, les formats de mobilités pouvant être désormais très variées.

Aider les étudiants étrangers en France

Il y a les étudiants français qui veulent partir. Mais pour ces services, il faut gérer une seconde population : celle des étrangers venus passer un semestre dans l’Hexagone.

Certains étaient dans des situations de difficulté, voire de détresse financière

”Il fallait s’occuper d’eux, car certains étaient dans des situations de difficulté, voire de détresse financière, n’ayant plus la possibilité de trouver un petit boulot ! Nous avons mis à disposition de certains des ordinateurs, pour d’autres même des aides alimentaires… Nous avons pris régulièrement contact avec eux, pour nous assurer que tout le monde allait bien et orienter ceux qui en avaient besoin vers des dispositifs psychologiques en ligne”, relate Stefan Seiler, de l’EPF.

Une charge mentale supplémentaire pour toute l’équipe, mais un soutien fondamental pour les étudiants étrangers, eux aussi perdus face aux restrictions liées à la situation sanitaire.

En tirer du positif

Aujourd’hui, l’urgence est passée, les solutions ont été pour la plupart trouvées, mais l’incertitude demeure. Les services internationaux gardent néanmoins résolument le cap.

”L’année dernière, tout s’est mis en place en catastrophe, nous avons beaucoup appris ! Alors, à l’automne 2020, quand les frontières et les campus ont commencé à fermer à nouveau, nos outils étaient déjà en place et nous savions comment réagir. Nous avons beaucoup communiqué avec nos partenaires, pour mettre à jour les départs possibles ou non”, explique Carine Morotti-Delorme, responsable du pôle mobilité académique sortante de CentraleSupélec.

Elle précise que les étudiants, eux aussi, étaient mieux préparés que six mois auparavant et ont mieux réagi. Désormais, tous veulent tirer du positif de cette expérience .

”Nous nous sommes approprié de nouvelles ressources, qui resteront sur le long terme ! Notre forum dédié à l’international, par exemple, était auparavant présentiel et donc réservé aux élèves toulousains. Aujourd’hui, tout est en ligne, les étudiants du monde entier peuvent y avoir accès. Ces outils resteront en support et seront complémentaires d’échanges en direct”, précise Karine Michelet, de TSM.

De nouvelles perspectives

Audrey Esteves, responsable des relations internationales de l’ESC Clermont - © ESC Clermont
Audrey Esteves, responsable des relations internationales de l’ESC Clermont - © ESC Clermont

De son côté, Audrey Esteves de l’ESC Clermont est on ne peut plus d’accord sur les opportunités à tirer de cette crise : ”L’expérience ‘international at home’ ouvre des possibilités par exemple à nos apprentis, qui pourront ainsi disposer d’une coloration à leur profil s’ils le souhaitent, là où les départs étaient plus compliqués physiquement. Idem pour les cours, grâce à la visio, nous pourrons avoir davantage d’interventions de professeurs du monde entier.”

Les usages ont aussi évolué, parfois de façon très positive. ”Nous avons fait un bond dans le temps sur l’avancée technologique ! Je pense à la mise en place des signatures électroniques, par exemple, qui nous fait gagner un temps considérable. Ou le fait de dialoguer avec nos partenaires via Teams ou Zoom, que l’on n’envisageait pas auparavant”, se réjouit Carine Morotti-Delorme. La preuve que même dans les pires crises, il est toujours possible de sortir grandi, avec de nouvelles idées et façons de fonctionner !