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Comment réussir son premier face-à-face avec les étudiants ?

Par Marine Dessaux | Le | Personnels et statuts

Premier cours magistral, premiers travaux dirigés, mais aussi premier contact par le digital : bien commencer l’année auprès des étudiants s’annonce une mission particulièrement corsée pour les enseignants. Que vous débutiez ou cherchiez à vous améliorer constamment : ces conseils d’experts sont pour vous.

Il est important de réfléchir à l’ambiance que l’on veut créer avec les étudiants. - © CPU-Université de Haute-Alsace
Il est important de réfléchir à l’ambiance que l’on veut créer avec les étudiants. - © CPU-Université de Haute-Alsace

Emmanuel Caillaud est conseiller enseignement supérieur, recherche et innovation au Service de coopération culturelle à l’ambassade de France en Chine depuis janvier 2020 et a été professeur des universités pendant 18 ans à l’université de Strasbourg. Il est aussi l’auteur de Petit guide de survie de l’enseignant-chercheur (2020), dont nous vous avons déjà parlé. Pour Campus Matin, il livre ses conseils afin de bien réussir un premier face-à-face avec les étudiants.

Pour aborder l’aspect distanciel, incontournable en cette rentrée, Jean-François Parmentier, un ingénieur pédagogique, qui vient de sortir « 4 scénarios pour enseigner à distance », un livre co-écrit avec Quentin Vicens, propose des solutions pour briser la glace via le digital.

Bien préparer son premier amphi

« La première chose à faire est de bien identifier quels sont les objectifs et comment l’enseignement va être évalué », pose Emmanuel Caillaud.

Etre au clair sur les prérequis

Il donne cette ligne de conduite comme point de départ pour la préparation d’un cours alors que les enseignants-chercheurs ont tendance à « préparer trop en volume » et « se concentrer trop sur le contenu, à défaut de la forme ».

Son conseil est donc le suivant : il faut « être au clair sur les prérequis, replacer au centre ce qui va être évalué, et travailler sur la manière de l’enseigner ». Les objectifs doivent ensuite être abordés pendant le premier cours.

Et pour la construction de la maquette, « la question forte à se poser, c’est : comment vais-je illustrer un concept (quels exemples donner, à partir de quels documents) ? ».

Comment donner le bon ton pour le reste de l’année ?

Un début de cours en musique : la meilleure des introductions pour un cours détendu, selon Emmanuel Caillaud - © D.R.
Un début de cours en musique : la meilleure des introductions pour un cours détendu, selon Emmanuel Caillaud - © D.R.

Pour Emmanuel Caillaud, il est important de réfléchir à l’ambiance que l’on veut créer avec les étudiants dès la rentrée. Mais avant de pouvoir se concentrer sur l’échange avec l’étudiant, il est primordial d’acquérir une certaine assurance :

« Une des principales difficultés pour l’enseignant-chercheur, souvent, c’est le syndrome de l’imposteur : on se dit qu’on n’est pas assez ‘fort’. Il n’y a pourtant pas de difficulté théorique à redouter : il ne faut donc pas mettre en question sa maitrise disciplinaire. Une fois rassuré, il est plus facile de se concentrer sur sa relation avec l’étudiant ».

Le ton dépendra de l’enseignant : ambiance stricte, bonne entente … « Si certains ont une autorité naturelle, il est nécessaire, pour d’autres, de prendre un peu de distance au début de l’année avant de pouvoir enseigner de façon plus détendue », indique le professeur qui est, lui, fervent d’une bonne ambiance tout au long de l’année.

« Pour créer une atmosphère paisible, je commence tous mes cours avec de la musique. Je choisis un morceau en lien avec les cours, l’actualité ou quelque chose de doux quand les étudiants sont fatigués ».

Emmanuel Caillaud a opté pour cette méthode originale afin d’obtenir le calme en début d’amphi, un moment où les étudiants sont généralement bruyants.

« Au lieu devoir demander le silence et d’entrer dans une relation de force, si on commence par une musique et qu’on baisse le son progressivement, le silence se fait de lui-même. D’ailleurs, ça incite les étudiants à être à l’heure pour entendre un morceau sympa ! ».

Gérer le trac

« Quel que soit le nombre d’années d’enseignement, on réfléchit tous à notre premier cours magistral de l’année, la veille », observe Emmanuel Caillaud.

Apprendre à s’en servir comme un facteur de concentration

Car se tenir face à plusieurs centaines d’élèves est toujours impressionnant, le trac est un élément avec lequel il faut composer : « Le jour où on a plus du tout le trac d’aller en amphi, c’est embêtant. Cela signifie qu’on ne le prend pas assez sérieusement. Par contre, il faut apprendre à s’en servir comme un facteur de concentration et d’évolution, il ne faut pas que ce soit paralysant », explique l’enseignant chercheur.

Son meilleur conseil pour faire descendre la pression ? « Sourire ». Le meilleur moyen de se détendre et, en bonus, « de recevoir plein de sourires en retour ».

L’heure des premiers travaux dirigés

Petit guide de survie de l’enseignant-chercheur d’Emmanuel Caillaud - © D.R.
Petit guide de survie de l’enseignant-chercheur d’Emmanuel Caillaud - © D.R.

Le premier point essentiel, dans la préparation d’un TD, est de « bien être au clair sur ses objectifs et sa cohérence avec le cours ».

En amont, « il faut réfléchir à comment on va enseigner, dans quel ordre les idées peuvent être comprises plus facilement et comment faire croitre la difficulté ».

Un cours ne doit pas être d’un seul bloc : il est nécessaire de prévoir la place à la réflexion, l’interaction et des moments pour aider à assimiler un concept.

Autre chose élément primordial pour Emmanuel Caillaud :

« Les étudiants pensent que le TD va permettre de comprendre le cours. Il est en effet possible de faire un rappel du cours en début d’heure. Cela permettra également de voir aux expressions de visages, si les étudiants sont perdus et de discuter avec eux ».

L’enseignant-chercheur recommande d’en profiter pour créer de l’interaction en envoyant ceux qui maîtrisent le sujet au tableau, mais aussi ceux qui font des erreurs :

« Cela aide à la compréhension de la classe. Attention, par contre, car l’erreur est mal perçue dans le système français, il faut la dédramatiser ».

Il est ainsi important d’avoir « identifié les difficultés de l’étudiant et d’avoir prévu des éléments de réponse en amont pour l’aider en cas d’erreur ».

Comment aborder le premier contact en distanciel ?

Selon les cas, la rentrée se fait pour une partie des élèves en distanciel. Dans l’optique d’un enseignement digitalisé, comment réussir un premier contact ?

Cela représenter une « véritable difficulté », reconnait Emmanuel Caillaud : « Le confinement cette année ayant commencé en semestre 2, les premiers contacts avaient déjà eu lieu, les premiers acquis étaient là ». La donne est donc différente en ce mois de septembre.

Impérativement un premier échange vidéo

Pour les étudiants, il faut « impérativement un premier échange vidéo, en synchrone. Cela leur permettra de voir l’enseignant, de comprendre ses attentes ».

Pour l’enseignant strasbourgeois, cependant, il semble indispensable de passer par une première rencontre physique :

« Face à un amphi de 200 écrans, cela me semble impossible de se faire une idée de la promotion ».

Briser la glace

Jean-François Parmentier - © D.R.
Jean-François Parmentier - © D.R.

Jean-François Parmentier, ingénieur pédagogique à INP-ENSEEIHT, vient de publier un livret dédié à l’enseignement présentant différentes modalités d’hybridation. On y trouve notamment des conseils pour enseigner en distanciel et instaurer une dynamique d’interaction avec le groupe.

Il recommande de « Réfléchir à ce qu’on va dire pendant le premier cours, ne pas commencer en écrivant les premières équations sur le tableau », de « se présenter, présenter les objectifs du cours » et indique que l’on peut « parler du ‘contrat’ : ce qu’on attend des étudiants ».

Egalement essentiel : apprendre les noms des étudiants, souligne Jean-François Parmentier.

« Pour cela, on crée de petits groupes virtuels et on passe dans chacun pour discuter. C’est l’occasion de montrer qu’on s’intéresse aux élèves en tant qu’étudiants, dont on souhaite la réussite, et en tant qu’humains.

Ce second aspect est plus important encore en temps de distanciel, alors qu’il n’y a plus les associations étudiantes, notamment, qui ont pour rôle de rassembler. Il ne faut pas hésiter à prendre quelques minutes à demander comment ils vont, pourquoi ils sont dans cette filière, ce qu’ils en attendent, etc. ».

Il est également possible de faire les présentations en asynchrone, sur un forum par exemple. En demandant par exemple aux étudiants de dire quelques mots sur eux ou de répondre à une question plus précise.

En créant un esprit de promotion, il y a moins de risque d’abandon

L’un des points primordiaux des premiers contacts réussis en digital, est de lancer l’interaction, pas seulement avec l’enseignant mais aussi entre les étudiants.

« En créant un esprit de promotion, il y a moins de risque d’abandon », indique Jean-François Parmentier. Pour cela, il est utile de savoir relancer les conversations (« X a dit ça, qu’en penses-tu Y ? »), « ce qui permettra de tisser du lien », explique l’ingénieur pédagogique.

Former les groupes

Mais comment former les groupes en distanciel ? « Un peu comme en présentiel, où on a la possibilité de faire des groupes libres ou bien déterminés par l’enseignant, les logiciels de visioconférence proposent des options pour former des groupes. Chaque groupe dispose alors de sa visioconférence privée. La répartition des étudiants dans les groupes peut-être réalisée soit aléatoirement, soit par l’enseignant ou laissée aux étudiants », dit Jean-François Parmentier.

« Bien sûr, pour un débat court de quelques minutes, l’option aléatoire est à privilégier en grand groupes ».

Dans un contexte de tout distanciel, l’ingénieur pédagogique recommande d’opter pour des groupes fixes en TD, quitte à les laisser fluctuer dans les premières séances, de façon à permettre aux étudiants de tisser des liens.