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Fresque de l’apprendre : un outil pédagogique pour reprendre confiance en ses capacités

Par Marine Dessaux | Le | Pédagogie

Comment faire en sorte que les étudiants apprennent à apprendre ? Qu’ils se débarrassent de leur peur de l’échec et reprennent confiance en leurs capacités intellectuelles ? C’est à ces problématiques qu’une enseignante-chercheuse de l’ISC Paris a voulu répondre en créant la « fresque de l’apprendre ». Un atelier pédagogique sur le modèle de la fresque du climat qui s’adresse aussi bien aux étudiants qu’aux enseignants, élèves du secondaire et parents.

Près de 300 étudiants et enseignants ont participé à la fresque de l’apprendre au sein de l’ISC. - © ISC Paris
Près de 300 étudiants et enseignants ont participé à la fresque de l’apprendre au sein de l’ISC. - © ISC Paris

« Cela fait 15 ans que j’enseigne et les élèves ont déjà changé. Les engager est de plus en plus compliqué, il faut les rendre acteurs pour les impliquer. » Face à ce constat, Coralie Damay, enseignante-chercheuse en sciences de gestion et directrice de l’Action learning lab de l’école de commerce ISC Paris, veut construire un atelier pédagogique pour « apprendre à apprendre ».

Un outil qui sensibiliserait les apprenants aux dimensions émotionnelle, physique et cognitive de l’acquisition de savoirs et leur permettrait de dépasser un rapport à l’apprentissage trop souvent négatif et passif. « Dire j’ai la bosse des maths, par exemple, c’est un état d’esprit fixe, mais l’apprentissage ne fonctionne pas comme cela : quelqu’un qui n’est pas bon dans une matière va pouvoir faire évoluer ses compétences », explique Coralie Damay.

Cet outil, elle l’a créé : une « fresque de l’apprendre ». En voici la genèse. 

Un atelier pédagogique calqué sur la fresque du climat

En 2020, la fresque du climat — un atelier collaboratif pour expliquer les grands principes du réchauffement climatique — est expérimentée dans les établissements d’enseignement supérieur. Coralie Damay décide de s’inspirer du format pour créer une fresque de l’apprendre.

Coralie Damay est directrice de l’Action learning lab d’ISC Paris. - © D.R.
Coralie Damay est directrice de l’Action learning lab d’ISC Paris. - © D.R.

Elle proposera cet atelier lors Festival de l’apprendre, organisé par l’ISC Paris chaque année. Et crée pour l’occasion des cartes autour des notions clés de l’apprentissage qui doivent être placées les unes par rapport aux autres par les participants. « Il s’agit d’un atelier d’intelligence collective, où l’enseignant prend un rôle d’animateur plutôt que d’apporter un savoir descendant », rapporte Coralie Damay.

Une initiative qui plait, mais qui reste dans les cartons durant plus d’un an. Pendant ce temps, Coralie Damay est formée à l’animation de la fresque du climat et obtient un diplôme universitaire (DU) intelligence collective à CY Cergy Paris Université.

Un outil adaptable aux objectifs et profils

L’équipe de l’Action learning lab de l’ISC Paris est également renforcée par un nouvel ingénieur pédagogique. À deux, ils reprennent en octobre 2022 le travail sur la fresque de l’apprendre.

« Nous avons ajouté un recto aux cartes : d’un côté se trouve le concept et, de l’autre, les éléments d’explication. Nous avons retravaillé les définitions qui étaient trop compliquées et ajouté des notions. Nous nous sommes retrouvés avec 85 cartes ! Cela devenait anti-pédagogique… Nous les avons donc réparties en 11 lots de cinq à huit cartes. Une partie d’une heure se fait ainsi avec quatre lots qui sont choisis en fonction du public et des objectifs », explique Coralie Damay.

En effet, certaines thématiques s’adressent plus aux apprenants (santé, stratégies d’apprentissage, importance de l’effort…) et d’autres aux formateurs (types d’évaluation, compétences…). Enfin, des lots plus théoriques peuvent parler à tous (motivation, état d’esprit…).

Près de 300 participants au sein de l’école

Une fois la conception finalisée, l’atelier est testé plusieurs fois et développé en fonction des retours. En janvier 2023, il est de nouveau présenté pour le Festival de l’apprendre. Il est également utilisé lors de séminaires de l’Action learning lab et en cours d’intelligence collective auprès des élèves de l’ISC Paris, en bachelor comme en programme grande école.

Au total, Coralie Damay estime qu’entre 250 et 300 personnes ont participé à la fresque de l’apprendre.

S’adresser également aux formateurs

Ne pas cibler uniquement les apprenants était une évidence pour la créatrice de la fresque de l’apprendre. « Je m’adresse à la fois aux étudiants et aux enseignants dans le cadre de l’Action learning lab, donc j’avais les deux bien en tête dès le début », explique Coralie Damay.

Les enseignants peuvent ainsi participer à la fresque de l’apprendre entre eux ou avec des étudiants.

Former les étudiants à l’animation

Pour accompagner Coralie Damay dans ses ateliers, deux étudiantes en deuxième année de bachelor ont été formées à l’animation. Léa Descombes raconte cette initiation :

« Nous avons joué, appris le fonctionnement des lots et les termes scientifiques associés. Puis, nous avons animé une partie autour du thème de la santé. En tant qu’animatrice, mon rôle est de faire attention au choix des mots et d’apporter une correction aux participants. »

Léa Descombes et Sydonie Chopinet ont animé une fresque de l’apprendre sur la santé, le 9 novembre 2023.  - © ISC Paris
Léa Descombes et Sydonie Chopinet ont animé une fresque de l’apprendre sur la santé, le 9 novembre 2023. - © ISC Paris

L’étudiante, engagée dans la promotion de l’école et de ses projets, a voulu se former, car « quand j’ai joué pour la première fois, j’ai pu poser des mots sur ma façon d’apprendre ou de réagir face à l’échec et en tirer des réflexions intéressantes ». Elle explique notamment avoir pris conscience que « le cerveau est un muscle et qu’il est possible d’aller au-delà des capacités que j’avais en arrivant à l’école ».

Sa camarade animatrice, Sydonie Chopinet, a voulu se former justement pour transmettre aux autres ce qu’elle a appris. « Les différentes manières d’apprendre, par exemple, ce sont des choses que je vais mettre en place moi-même pour la suite de mes études », ajoute-t-elle.

Ces formations d’animateurs, Coralie Damay veut les accélérer, « sûrement via l’association étudiante de soutien scolaire de l’école ». Un double intérêt pour les étudiants qui prennent confiance en eux en endossant ce rôle et s’enrichissent des échanges qui permettent d’aller plus loin « sur des sujets rarement abordés ».

Toucher élèves du secondaire, parents, privé et collectivités 

« Nous visons janvier 2024 pour mettre en place notre stratégie de déploiement », indique Coralie Damay. Plusieurs cibles sont concernées par la fresque de l’apprendre :

  • « Les collégiens, lycéens et même les parents qui pourront prendre conscience de ce qui se passe derrière le processus d’apprentissage » ;
  • Des collectivités : « Nous avons gagné le prix de l’innovation pédagogique de l’ISC Paris, dans le jury des personnes du territoire et des centres de formation des apprentis (CFA) qui ont beaucoup aimé l’idée » ;
  • Des acteurs du privé : « Nous avons fait appel à une orthophoniste lors de la création des cartes, elle souhaite le présenter à ses collègues ».

Et, bien sûr, des enseignants et étudiants d’autres grandes écoles et universités. « Pour savoir animer, il faut compter une heure de participation à un atelier puis une demi-journée de formation », indique Coralie Damay. Pour l’heure, la fresque de l’apprendre n’est pas disponible en ligne, mais il est possible de contacter sa créatrice pour en savoir plus.