Vie des campus

Étudiants artistes de haut niveau : des initiatives pour un accompagnement sur-mesure

Par Marine Dessaux | Le | Expérience étudiante

Le statut d’étudiant artiste de haut niveau permet à ceux qui mènent une pratique artistique intensive de bénéficier d’un aménagement d’emploi du temps. Il reste cependant moins répandu, et son accompagnement moins bien huilé, que celui dédié aux sportifs de haut niveau. L’Université d’Angers, particulièrement engagée sur le sujet, présente les dispositifs et initiatives qu’elle met à leur disposition.

À l’UGA, des studios de danse et une régie technique facilitent la création sur et hors campus. - © Campus Matin - M. Dessaux
À l’UGA, des studios de danse et une régie technique facilitent la création sur et hors campus. - © Campus Matin - M. Dessaux

Si accompagner les étudiants bénéficiant du statut d’artiste de haut niveau contribue à leur insertion professionnelle et nourrit la politique culturelle des établissements du supérieur, cela n’est pas obligatoire. Il existe ainsi des réalités très différentes d’une université à l’autre.

C’est pour faire un état des lieux que la Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (Dgesip), en partenariat avec le réseau A+U+C (pour Art, Université et Culture), a organisé un séminaire sur le sujet, le 14 novembre. Retour d’expérience.

Monter un réseau à l’échelle de la région

Depuis la rentrée 2024, l’Université d’Angers expérimente un réseau des musiques étudiantes du Grand Ouest. Son objectif : fédérer les universités et structures culturelles de la région afin de développer la diffusion des projets artistiques étudiants.

Chloé Langeard est enseignante-chercheuse et directrice du service UA-culture à l’Université d’Angers. - © D.R.
Chloé Langeard est enseignante-chercheuse et directrice du service UA-culture à l’Université d’Angers. - © D.R.

« Nous avions mis en place un dispositif d’artiste associé : à partir du moment où nous mettions de l’argent dans ce projet, il fallait aussi investir dans le réseau de l’artiste », explique Chloé Langeard, directrice du service UA-Culture.

Pour le lancer, celle qui est maîtresse de conférences en politiques culturelles a pu compter sur ses connaissances du paysage culturel de la région, mais a dû apprendre comment structurer un réseau.

« Aider les étudiants à devenir artistes, c’est bien, mais les aider à être artistes, c’est mieux. Cependant, les universités seules auront du mal à y parvenir si elles ne se mettent pas en réseau avec les structures professionnelles de leur région : associations, scènes musicales, etc. Il a fallu les mettre autour de la table et changer leur regard, car elles ne considèrent pas toujours les étudiants artistes comme des artistes à part entière. »

Un accompagnement sur mesure

Dans un premier temps, Chloé Langeard réfléchit à la façon dont ce nouveau dispositif pourra s’articuler avec ce qui préexiste dans les structures professionnelles. Elle se rend vite compte que beaucoup d’opportunités sont déjà présentes : mise à disposition de studios d’enregistrement, dispositifs pour se produire lors de premières parties de concert, etc.

Au fur et à mesure, la directrice du service UA-culture constate que, pour améliorer l’insertion professionnelle, il est primordial de proposer un accompagnement sur mesure. « Nous suivons chaque étudiant artiste au regard de ses problématiques. Par exemple, nous avons un super groupe qui avait une mauvaise gestion de la scène. Nous leur avons trouvé une formation proposée par l’association Trempo. »

Au-delà de la diffusion des créations et de la formation, l’Université d’Angers organise des temps de rencontre entre artistes pour échanger sur leurs problématiques communes.

« Beaucoup d’étudiants produisent de la musique dans leur chambre, remarque Chloé Langeard. En résulte une forme d’isolement. En outre, ils ne se sentent pas légitimes à se dire artistes. Au niveau de l’université, un travail est nécessaire pour affirmer que, oui, nous formons aussi des artistes. »

Avant que les jeunes artistes soient repérés par des structures culturelles, les établissements du supérieur sont déjà un premier tremplin. « Les universités présentent une hétérogénéité, mais un point commun les rassemble : elles organisent des temps forts qui permettent de programmer des étudiants artistes. »

Et, même pour ceux qui ont une pratique artistique de loisir, des ressources existent, notamment un laboratoire sonore pour expérimenter toutes sortes d’instruments.

À l’Université de Poitiers, des temps de création où se mêlent pratique professionnelle et de loisir

À l’Université de Poitiers, le nombre d’étudiants artistes de haut niveau reste très modeste avec seulement une quinzaine concernés en 2024/2025.

Sybille Lajus préside le réseau A+U+C avec Olivier Kahn. - © D.R.
Sybille Lajus préside le réseau A+U+C avec Olivier Kahn. - © D.R.

« Nous travaillons sur la visibilisation des métiers artistiques et sur les enjeux de démocratisation. Ces professions sont souvent liées au milieu socio-culturel et notre rôle est de permettre à tous types d’étudiants d’y accéder », expose Sybille Lajus, vice-présidente vie étudiante, culture et sport de l’établissement poitevin. Pour atteindre ces objectifs, une chargée de projet a été missionnée pour organiser des rendez-vous réguliers ouverts aux étudiants intéressés par l’art et les métiers artistiques. Sont ainsi nés les Créamidis.

Un second dispositif, nommé Impulsion, a été mis en place pour aider les étudiants artistes à se former. « Un appel à projets est lancé chaque année pour choisir le projet qui sera soutenu. Pour l’instant tout s’est bien passé, mais il peut arriver qu’un projet ne plaise pas. Nous pouvons alors ne pas vouloir accompagner sa diffusion. »

Sybille Lajus souligne les risques de surcharge pour les étudiants artistes : « Tout comme pour les sportifs de haut niveau, il faut un équilibre de vie compatible avec la santé. »

Rémunérer les étudiants artistes pour leurs performances : un critère sur lequel ne pas transiger ?

Chloé Langeard est ferme sur ce point : au sein du réseau des musiques étudiantes, les opportunités proposées, que ce soit auprès de structures culturelles ou d’autres universités, doivent toutes être rémunérées. « Parler d’artiste implique un statut professionnel et donc une rémunération », estime-t-elle.

Le statut artiste de haut niveau permet notamment d’accéder à du soutien, tutorat et des prises de notes. - © UGA
Le statut artiste de haut niveau permet notamment d’accéder à du soutien, tutorat et des prises de notes. - © UGA

Elle nuance uniquement lorsqu’il s’agit de leur alma mater : dans la mesure où les étudiants artistes bénéficient d’un dispositif dans lequel l’Université d’Angers a investi, quelques exceptionnelles prestations gratuites sont tolérées.

Bertrand Vignon, chef du service programmation et patrimoine artistiques de l’Université Grenoble Alpes, approuve cette exigence, mais reconnaît ne pas être « encore aussi avancé sur le sujet, certains appels sont rémunérés et d’autres non. »

L’établissement grenoblois propose aux musiciens de jouer lors d’événements comme Ma thèse en 180 secondes. Ce qui a tout de même un point fort : ouvrir des opportunités rémunérées à certains d’entre eux après leurs études.

À l’Université Grenoble Alpes, un suivi pédagogique l’évaluation

L’Université Grenoble Alpes accompagne environ 150 étudiants ayant le statut d’artiste de haut niveau. La plupart sont suivis par des enseignants directement dans les formations (conservatoires, etc.) et 15 à 20 d’entre eux, qui ont des profils hybrides, par le service programmation et patrimoine artistique. « Nous organisons des rendez-vous réguliers pour faire le point sur leurs projets et besoins », explique Bertrand Vignon.

Cet accompagne sur-mesure comprend un volet pédagogique  : l’évaluation du parcours par des notes, convertibles ensuite en crédits ECTS ou sous forme de gratification.

Autre ressource : des espaces mis à disposition par l’université et le Crous. « Des studios de danse sont réservables en journée et accessibles en libre accès le soir. Une régie technique peut aussi apporter un soutien ou prêter du matériel, acheté en partie grâce à la contribution de vie étudiante et de campus (Cvec), y compris pour un usage en dehors du campus. »

Développer des capsules vidéo et lancer une enquête nationale

Chloé Langeard compte s’appuyer sur les outils et compétences internes pour produire des capsules vidéo, par exemple sur la gestion de projet appliquée à la gestion culturelle. « Tous les étudiants artistes ont des projets, mais ils ne les structurent pas. Souvent, ils ne savent pas par quelle porte entrer dans les structures professionnelles. Le régime de l’intermittence est, lui aussi, encore mal compris. »

L’étape d’après ? Lancer une enquête sur les attentes des étudiants artistes. « J’aimerais qu’elle soit menée à l’échelle nationale, et j’espère qu’elle pourra voir le jour grâce à l’A+U+C », se projette Chloé Langeard.

Mais aussi élargir les arts concernés par le réseau des musiques étudiantes : « La danse et le cinéma, par exemple. Les arts visuels sont moins concernés, les Beaux-Arts ne faisant pas partie de l’université. »

Un appel à projets pour mettre en avant des créations étudiantes lors du Festival d’Avignon

L’association A+U+C a profité du séminaire pour lancer un appel à projets destiné aux étudiants artistes de France métropolitaine et d’outre-mer en vue de présenter deux créations (théâtre, danse, cirque, pluridisciplinaire) sur le campus de l’Université d’Avignon dans le cadre du Festival d’Avignon 2025.