Vie des campus

« La blockchain, bien sûr ! » : l’interview d'été de… Perrine de Coëtlogon

Par Marine Dessaux | Le | Relations extérieures

Profitez de cet été pour découvrir les personnalités de l’ESR sous un nouveau jour avec les interviews décalées de Campus Matin ! Cette semaine, tête à tête avec l’experte blockchain et open education à l’Université de Lille, Perrine de Coëtlogon.

« Je m’oblige depuis deux ans environ à me dire que je m’aime. C’est éprouvant et doux à la fois. »  - © Manon Delescluse
« Je m’oblige depuis deux ans environ à me dire que je m’aime. C’est éprouvant et doux à la fois. » - © Manon Delescluse

Campus Matin : Une personnalité inspirante pour vous ?  

Perrine de Coëtlogon : Emma, cette ingénieure informatique, auteure de bande dessinée a changé la vie de millions de personnes depuis 2017 en expliquant de façon illustrée et parlante le concept de « charge mentale ». Elle s’attaque à des sujets complexes, fait des recherches de qualité et part de notre vie quotidienne pour nous les faire comprendre, sans jugement, en nous laissant construire notre réflexion et réagir dans les commentaires.

Emma se définit comme une féministe et révolutionnaire

Elle a bien compris la puissance des nouveaux modèles économiques, en partageant ses bandes dessinées sur les réseaux sociaux, avec des ventes en librairie tout en proposant des dons directs avec tipeee. J’ai lu aussi qu’elle refuse les offres qui l’amèneraient à se compromettre, ce qui est la base de l’éthique évidemment.

Emma se définit comme une féministe et révolutionnaire, et elle pose ainsi toute la force de l’engagement… par la pédagogie innovante bien sûr !

Si vous étiez un établissement, vous seriez  ? 

Le Cnam, parce qu’il est en pleine réinvention sur tout le territoire avec une riche offre de formation continue, mais aussi pour son fondateur, le formidable Abbé Grégoire. Il a permis, entre autres, d’ancrer le droit à l’accès à l’éducation à tous et à tout moment de la vie après la Révolution française, avec le succès actuel que l’on connaît. Et puis le musée des Arts et Métiers à Paris est magique, avec toutes les inventions présentées : je l’ai découvert à l’occasion de l’Open Education Leadership Summit fin 2018.

Si vous étiez une technologie ? 

La blockchain bien entendu ! Open source, cette infrastructure informatique distribuée nous permet de repenser la façon dont plusieurs organisations peuvent partager ensemble des données authentifiées.

En ce moment, dans mon université de Lille, à la demande de la direction de la scolarité, nous sommes en train de moderniser la façon dont on émet, partage et stocke les attestations de réussite au diplôme avec cette technologie, tout en testant notre solution dans l’infrastructure européenne de service blockchain (European Blockchain Service Infrastructure) respectueuse de l’environnement et en accord avec les standards internationaux.

C’est enthousiasmant de travailler sur ces notions d’attestations numériques vérifiables à ce niveau-là, sachant que nous sommes nombreux dans le monde à converger sur ces sujets de microcrédits et open badges, mais que toutes sortes d’autres attestations pourront y être ajoutées.

Avec une petite équipe, nous sommes tellement convaincus de l’intérêt de cette technologie que nous avons publié « Les technologies blockchain au service du secteur public ».

L’innovation digitale de l’année  ? 

C’est le webinaire bien sûr ! Je ne parle pas ici du cours en ligne, qui a été une souffrance pour beaucoup d’enseignants, mais de l’occasion de se rencontrer à distance à 10 ou à 100, sans déplacement et en faisant avancer les sujets pointus ou généraux, parfois de façon décisive.

J’étais coincée sous le mur mansardé de ma chambre et nous parlions avec des experts

En juin 2020, avec mon vice-président transformation numérique, Pierre Boulet, nous avons lancé des webinaires dédiés aux parties prenantes françaises du partenariat européen de la blockchain : j’étais coincée sous le mur mansardé de ma chambre et nous parlions avec des experts de la troisième génération de l’identité numérique.

J’ai aussi conçu avec 56 autres intervenants la première édition d’Open Education Global Francophone : en deux jours, nous avons réuni en 21 webinaires 647 participants uniques en provenance de 38 pays. La conférence ePIC sur les ePortfolios et open badges, dont c’était la 18e édition, a tenu 72 heures dont une nuit en Nouvelle-Zélande (merci Philippe Petitqueux qui a assuré pendant tout ce temps…).

En 2017, quand j’avais découvert ePIC à Bologne, les Néo-Zélandaises présentes avaient dû voyager 48 heures (juste à l’aller !) pour partager leur conviction sur l’intérêt des open badges ! En 2020, elles ont créé leur propre évènement local, en lien avec l’équipe de l’association Reconnaître.

Un mot, une expression que vous ne voulez plus entendre ? 

Malgré la pandémie et la violence des débats, je n’aime toujours pas l’expression : « C’était mieux avant ». Cela implique le plus souvent une attitude de repli et de renonciation face aux grands méchants problèmes du monde contemporain.

La phrase que vous vous répétez devant votre miroir  ? 

C’est une question intime… Je m’oblige depuis deux ans environ à me dire que je m’aime. C’est éprouvant et doux à la fois, ça marche pas mal au final.

Une lecture ou un visionnage ou une écoute à conseiller ? 

Issue d’un parcours franco-allemand, j’ai adoré Les amnésiques de Géraldine Schwarz. C’est une histoire familiale et historique très accessible qui parle de la montée résistible des populismes en Europe, en cherchant à comprendre les rapports de plusieurs pays européens à l’extrême droite. Je n’oublie jamais que dans les années 30 et 40, les victimes et les personnes modérées étaient sidérées de ce qui était en train d’arriver. Des voisins disparaissaient et personne ne savait comment réagir.

Nous sommes tous perdus par la complexité de cette pandémie

Aujourd’hui, les personnes qui se révoltent contre le pass sanitaire font des comparaisons totalement déplacées avec les victimes de la Shoah, mais nous sommes tous perdus par la complexité de cette pandémie et des solutions numériques. À titre personnel, je cherche à travailler avec des personnes de qualité avec l’espoir de contribuer à offrir des contenus éducatifs et des solutions numériques de qualité, respectueuses de notre vie privée.

Un podcast ? 

En ce moment, j’écoute les podcasts créés par Switch Collective, une société qui aide les personnes à changer de vie avec un tutorat et des binômes, en lieu et place d’un bilan de compétences. En fait, c’est mon mari qui les écoute, car il est en pleine transition professionnelle : ces podcasts enrichissent nos réflexions qui convergent en ce moment, sur les nécessaires transformations numériques et juridiques qui ne se décrètent pas, mais s’accompagnent dans la confiance.

J’avais pris un sacré virage !

Ces podcasts lui ont permis de réaliser que j’avais déjà pris un sacré virage en 2009 : j’étais avocate en fusions-acquisitions dans un cabinet anglo-saxon et je suis devenue secrétaire générale d’un groupement d’intérêt public.

Ces changements de parcours étaient au final assez peu reconnus à l’époque et sont valorisés depuis quelques années, avec une accélération liée à la pandémie.

Son parcours

Diplômée d’un master de droit privé, Perrine de Coëtlogon a été avocate en fusions-acquisitions de 2002 à 2009. Elle a ensuite occupé le poste de secrétaire générale d’une université numérique thématique (UNT), l’Uness (Université numérique en santé et sport), jusqu’en 2015.

Elle devient alors experte numérique Europe et international pour le Mesri de 2015 à 2018, avant de rejoindre l’Université de Lille comme chargée de mission blockchain et open education. Membre élue du conseil d’administration de l’ONG Open Education Global, elle est le point contact français du partenariat européen de la blockchain pour la Dinum (Direction Interministérielle du Numérique).

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