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Carrières à l’université : « Les évolutions législatives récentes rebattent les cartes »

Par Catherine Piraud-Rouet | Le | Personnels et statuts

La toute nouvelle présidente de l’association Sup’DRH, Marie-Béatrice Celabe, détaille les répercussions prévisibles des lois de transformation de la fonction Publique et de programmation de la recherche (LPR) sur les recrutements et les carrières à l’université. À commencer par celles des enseignants-chercheurs.

Carrières à l’université : « Les évolutions législatives récentes rebattent les cartes »
Carrières à l’université : « Les évolutions législatives récentes rebattent les cartes »

« Les années à venir seront modelées par deux textes majeurs »

Marie-Béatrice Celabe, directrice générale des services adjointe à l’Université de Bordeaux déléguée au Pôle ressources humaines et développement social et présidente de Sup’DRH (Association des DRH des établissements publics d’enseignement supérieur) depuis novembre 2020, répond à Campus Matin.

Vous êtes à la tête de Sup’DRH depuis le 26 novembre dernier. Quels seront les principaux challenges de votre mandat ?

Marie-Béatrice Celabe est la nouvelle présidente de Sup’DRH - © D.R.
Marie-Béatrice Celabe est la nouvelle présidente de Sup’DRH - © D.R.

Les années à venir seront modelées par deux textes majeurs : la Loi de transformation de la fonction publique (LFTP), promulguée en août 2019 et la Loi de programmation de la recherche (LPR), promulguée le 24 décembre dernier et qui entrera en vigueur en 2021.

La loi LTFP ébranle dans ses fondements le vieux principe d’occupation des emplois permanents des établissements publics du supérieur par des fonctionnaires.

Cette sortie de la seule logique statutaire implique, pour chaque établissement, la nécessité de se doter d’un propre cadrage et de préciser les processus de recrutement, ainsi que de dispositifs internes, tels que des chartes de recrutement par exemple, qui professionnalisent ce dernier. A charge des établissements de bien apprécier quelles seront leurs problématiques d’emploi et comment les pourvoir au mieux.

Notre association devra être en veille et force de propositions face à ce schéma complexe de transformation

Ces trajectoires RH d’établissement doivent aussi inclure des mécaniques permettant de mieux définir et valoriser les parcours professionnels. Une politique qui devra s’appuyer sur le protocole d’accord signé le 12 octobre dernier par certains syndicats et impliquant une revalorisation des carrières des personnels en poste.

Notre association devra être en veille et force de propositions face à ce schéma complexe de transformation qui impacte fortement la gestion des ressources humaines, des carrières et des parcours professionnels.

En quoi ce modèle d’évolution des emplois est-il si complexe à mettre en œuvre ?

Une logique nouvelle de Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) est appelée à être mise en œuvre dans un contexte budgétaire toujours tendu et ces nouveaux leviers RH doivent se conjuguer avec la persistance de lignes de gestion ministérielles contraignantes, qui nous imposent des calendriers de gestion et des procédures.

Par ailleurs, les fondements juridiques liés à l’emploi contractuel étant révisés et complétés, les établissements devront se doter d’un nouveau cadrage de celui-ci, tout en se livrant à une analyse consolidée des emplois statutaires et contractuels.

Concernant l’emploi contractuel justement, quelles sont les nouvelles typologies de contrats prévues pour les enseignants-chercheurs par la loi ?

Trois nouveaux types de contrats, censés mieux répondre aux besoins au fil de l’eau des établissements sont initiés.

  • Primo, le contrat de projet : un CDD qui vise à répondre à une demande d’expertise ponctuelle liée à un besoin temporaire d’activité.
  • Secundo, le CDI de mission scientifique  : un nouveau contrat de droit public qui va permettre aux établissements de recruter des personnels pour mener à bien des opérations de recherche. Avec à la clé, la fin du couperet des 6 ans, au terme desquels il fallait requalifier un CDD en CDI, quelles que soient les incertitudes liées aux financements. Il s’agit d’un outil plus souple et facilitant pour la recherche, où de nombreux projets peuvent courir sur 9 ans. La première vague de recrutements pourrait se tenir au printemps 2021.
  • Enfin, le nouveau dispositif de chaire de professeurs juniors, dit tenure track. Parcours qui, après un parcours de pré-titularisation, devrait permettre à ses titulaires d’intégrer directement le corps des directeurs de recherche ou des professeurs d’université (PR). C’est annoncé comme un dispositif d’attractivité destiné à attirer les talents et augmenter le nombre d’encadrants, mais cette mesure devra faire l’objet d’une utilisation prudente et maîtrisée au vu des contextes de chaque établissement.

En quoi la tenure track cristallise-t-elle les questionnements, voire les réticences de la communauté ?

Cette nouvelle modalité de recrutement, combinée à la modification des prérogatives du Conseil national des Universités (CNU), rebat les cartes d’habitudes solidement ancrées dans la communauté universitaire. En effet, en remettant en question le rôle du CNU pour la qualification et le suivi des carrières des enseignants-chercheurs depuis 1984, c’est tout le schéma habituel des parcours académiques qui est un peu remis en jeu.

Les modalités de ce dispositif expérimental, notamment les dotations et mécanismes incitatifs qui vont permettre aux établissements de se saisir de cette mesure, devraient être précisées par décret en 2021, après négociation avec les parties prenantes.

Le couplage de ce nouveau dispositif avec le contingent de promotions de professeurs des universités risque de compliquer les modalités d’allocation de ces chaires.

Les conditions de financement restent à préciser. Avec quel œil voyez-vous toutes ces nouvelles pistes ?

Une certaine vigilance s’impose pour que ces nouveaux outils RH soient des leviers d’attractivité et de simplification, et non que cela produise un effet millefeuille.

Ces réformes impliquent de nombreuses mesures à aligner au sein des établissements. Pour être mise en œuvre, ces mesures devront recevoir l’assentiment de la communauté universitaire, notamment à travers le dialogue social. C’est un énorme chantier qu’il nous incombe de mener à bien dans les mois et les années à venir.