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Effervescence autour de l'évolution des pratiques pédagogiques

Par Marine Dessaux | Le | Pédagogie

À Nantes Université, le colloque « Diversité et réussite(s) » a dépassé les attentes de ses organisateurs en attirant plus de 400 personnes pour sa première édition, le 4 avril 2024. Un engouement qui témoigne de l’intérêt de la communauté universitaire pour cette thématique, que ce soient les porteurs politiques, les enseignants-chercheurs, les personnels de la pédagogie et même les étudiants. Campus Matin s’y est rendu et raconte.

Ce colloque était organisé par les universités de Nantes et de Laval, au Québec. - © Jeanne Minier-Nantes Université
Ce colloque était organisé par les universités de Nantes et de Laval, au Québec. - © Jeanne Minier-Nantes Université

Ils auraient été satisfaits avec 150 participants mais ont finalement reçu 430 universitaires de France, du Canada, de Belgique ou encore de Suisse… Les organisateurs du colloque franco-québécois sur la diversité et la réussite étudiante à Nantes ont fédéré grâce à une problématique commune.

« Toutes les universités se posent beaucoup de questions autour des pratiques pédagogiques, une dynamique que l’appel à projets Nouveaux cursus à l’université (AAP NCU) de France 2030 a permis de lancer. Cette effervescence témoigne d’un besoin de réfléchir collectivement », introduit Arnaud Guével, vice-président en charge de la formation et de l’éducation ouverte de Nantes Université.

Un colloque porté par deux universités

Aurore Deledalle et Didier Paquelin ont échangé autour de la chaire de leadership en enseignement de l’Université Laval, co-financée par Nantes Université. - © CM/M.Dessaux
Aurore Deledalle et Didier Paquelin ont échangé autour de la chaire de leadership en enseignement de l’Université Laval, co-financée par Nantes Université. - © CM/M.Dessaux

Contrairement aux colloques classiques, organisés par des laboratoires de recherche ou réseaux de professionnels (tels que l’Association nationale des services Tice et audiovisuels), celui-ci est né de la collaboration entre deux universités : celles de Nantes et de Laval, au Québec. Et, plus particulièrement, des échanges entre Aurore Deledalle, vice-présidente déléguée à la transformation de l’établissement ligérien, et Didier Paquelin, professeur titulaire de la chaire de leadership en enseignement (CLÉ) sur la pédagogie de l’enseignement supérieur de l’université canadienne.

« Nos deux établissements travaillent ensemble depuis 2021 autour des questions de pédagogie universitaire dans le cadre de la chaire CLÉ, dont Nantes Université est co-financeur, retrace Aurore Deledalle. C’est après la crise sanitaire que les enseignants ont commencé à se demander ce qu’ils allaient faire de leurs réalisations autour de l’enseignement hybride et à distance. L’an dernier, nous avons finalement senti que la question de fond était celle de la réussite des étudiants. »

Une vision de la réussite qui se décline au pluriel « car réussir, ce n’est pas qu’obtenir un diplôme, mais aussi acquérir des compétences, construire un projet, établir un réseau… le tout en entretenant son bien-être », définit Arnaud Guével.

Avoir une approche de la diversité non stigmatisante

Cependant, pour travailler sur la réussite, « il faut comprendre quels sont nos étudiants », estime Aurore Deledalle. En se rendant au Québec, elle se rend compte de la maturité des établissements d’enseignement supérieur sur la question de la diversité qui se lit sur un prisme large (âge, situation sociale, etc.). 

« L’approche de la diversité ne doit être ni pathologisante ni stigmatisante : les différences sont la généralité plus que l’exception », souligne Didier Paquelin.

Outre-Atlantique, « on parle de personnes étudiantes », remarque notamment la vice-présidente déléguée à la transformation. Sa conclusion ? « Pour penser des dispositifs de réussite, il faut mieux comprendre cette diversité. »

Le contexte : une population étudiante en baisse dans les universités

S’adresser à une population la plus diverse possible, en allant même jusqu’à toucher le grand public via l’éducation ouverte, et être plus attractif en fournissant une formation qui participe aux réussites des étudiants… Autant de pistes pour lutter contre la baisse de population qui s’est amorcée dans certaines universités, avec une diminution globale des effectifs universitaires à 3 008 300 étudiants en 2023, soit -1,6 % par rapport à 2022, selon une note du Sies de mai 2023 .

Ces dernières font non seulement face à une concurrence du privé accrue mais devront aussi encaisser un nombre de bacheliers en baisse (entre 2021 et 2031, ce chiffre devrait chuter de 5,1 %). Le nombre d’étudiants global devrait atteindre 3 025 000 en 2031 (ce qui correspond à 9 000 inscrits de moins par rapport aux prévisions 2026) mais irriguer plutôt l’apprentissage en sections de technicien supérieur, les écoles de commerce et d’ingénieurs, selon le ministère de l’ESR.

Ouverture aux étudiants

Autre particularité du colloque Diversité et réussite[s] : la présence et l’attention portée aux étudiants « qui contribuent à la définition de certaines activités du colloque », rapporte Didier Paquelin. Certains ont notamment participé à une fresque des idées et ont remonté leurs réflexions à l’enseignant-chercheur afin d’enrichir son discours de conclusion.

Après tout, ce sont eux qui se trouvent au cœur des dispositifs de réussite. Notamment dans les parcours dédiés aux candidats Parcoursup « Oui si », à qui il manque souvent des bases méthodologiques. « Nous travaillons activement à améliorer ces parcours d’accompagnement que les étudiants trouvent parfois stigmatisants et où ils ne vont pas de manière volontaire », illustre Arnaud Guével.

Étudiants et doctorants assistaient également au colloque. - © Jeanne Minier-Nantes Université
Étudiants et doctorants assistaient également au colloque. - © Jeanne Minier-Nantes Université

Les étudiants et leur réussite sont également au cœur des trois doctorats financés par l’AAP NCU de Nantes Université, baptisé Neptune, labellisé en 2018. Lucie Devidal, doctorante en sciences de l’éducation, examine leur engagement dans l’approche par compétences.

« Alors que des travaux émergent sur les enseignants, nous avons décidé avec mon directeur de thèse de nous tourner vers les étudiants qui ont des relations très hétérogènes avec l’approche par compétences », explique-t-elle.

Lucie Devidal profite ainsi du colloque pour présenter ses résultats sur un poster. L’opportunité « de faire du réseautage et de rencontrer des personnes qui interrogent mon travail », apprécie-t-elle.

Quel horizon ?

Arnaud Guével est vice-président en charge de la formation et de l’éducation ouverte. - © Jeanne Minier-Nantes Université
Arnaud Guével est vice-président en charge de la formation et de l’éducation ouverte. - © Jeanne Minier-Nantes Université

Quels sont désormais les projets à venir de Nantes Université autour des pratiques pédagogiques ? « Créer, d’ici deux ans, un master d’ingénieur accompagnateur pédagogique orienté vers l’éducation ouverte, l’IA et l’immersif », vise Arnaud Guével. Pour financer ce projet, l’appel à manifestation d’intérêt Compétences et métiers d’avenir est une piste.

Dans le cadre de Neptune toujours, l’objectif est de continuer à questionner les transformations pédagogiques et à produire de la recherche pour analyser leurs effets sur la réussite étudiante.

Mais la suite de ce colloque, c’est surtout outre-Atlantique qu’elle se fera : les 10 et 11 octobre à l’Université Laval, autour du thème « Présence et relation éducative ». Un temps qui se prolongera autour d’une mini-résidence pédagogique sur ces deux thématiques ainsi que sur la flexibilisation des enseignements.