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10 conseils pour faire cours en extérieur


Enseigner hors les murs ? Si la perspective est tentante, elle suppose de repenser posture, logistique et scénarisation pédagogique. Pour guider les enseignants désireux de franchir le pas, Jérôme Legrix-Pagès, spécialiste de cette approche, et Nathalie Debski, qui a développé la marche dialoguée, livrent leurs recommandations.

Enseigner hors les murs demande une préparation rigoureuse. - © Freepik
Enseigner hors les murs demande une préparation rigoureuse. - © Freepik

Après un premier article sur les enjeux de l’enseignement en extérieur, retrouvez 10 conseils pratiques pour mettre en place cette approche pédagogique.

1. Se former ou se faire accompagner

« Je recommande de se former ou de se faire accompagner, plutôt que de se lancer seul. Cela peut être déceptif et se retourner contre soi si on n’est pas préparé », appuie Jérôme Legrix-Pages, président de France université numérique (FUN) et animateur de la formation « Enseigner en extérieur » proposée par Unicamp.

2. Connaître ses responsabilités

« Ce qui est souvent méconnu, c’est que l’enseignant en charge du groupe est légalement et civilement responsable. Cela implique un travail administratif et de repérage en amont. »

Les démarches pour obtenir une autorisation de sortie dans le cadre d’un enseignement varient d’un établissement à l’autre et de l’itinérance programmée, parfois il est nécessaire de consulter le conseil d’administration de l’établissement.

3. S’y mettre progressivement

« Il faut parfois prévoir une première séance en extérieur, afin de préparer les étudiants à ce type d’expérience, rapporte Jérôme Legrix-Pagès. Pour les collègues qui se lancent, je recommande de prévoir environ trois heures en extérieur sur trente heures de formation, puis de faire des liens avec l’expérience vécue lors des séances suivantes. »

Une manière d’habituer progressivement les étudiants et d’ancrer cette pratique dans une continuité pédagogique.

4. Clarifier les consignes

Nathalie Debski est directrice adjointe de l’IAE d’Angers. - © D.R.
Nathalie Debski est directrice adjointe de l’IAE d’Angers. - © D.R.

Pour Nathalie Debski, directrice adjointe de l’IAE d’Angers, une consigne claire est essentielle afin de sécuriser les étudiants. « Les notions théoriques peuvent être présentées avant ou après l’activité, en synchrone ou asynchrone, ou même être l’objet de l’activité », ajoute-t-elle.

5. Intégrer la nature dans la scénarisation pédagogique

« On peut même imaginer tout un enseignement exclusivement en extérieur », suggère celui qui est également vice-président transformation pédagogique de l’Université de Caen.

Le piège ? Organiser une sortie improvisée « parce qu’il fait beau ». Pour éviter cet écueil, Jérôme Legrix-Pagès propose d’articuler les cours autour de quatre temps :

  • L’accueil, où l’on rappelle les consignes.
  • Le cœur de l’activité, basé sur une pédagogie active et une approche socio-constructiviste, avec des explorations en petits groupes.
  • Un atelier ou une conférence descendante de 15 à 20 minutes, suivis d’une question de résonance pour des échanges en binôme, puis une synthèse collective.
  • Et enfin, un retour physique et symbolique pour consolider l’apprentissage, avec une trace différée comme un Padlet contenant des citations exactes et la trame du cours, servant de fiche mémo.

6. Ne pas se laisser décourager par la météo

« Les conditions climatiques peuvent parfois poser problème (orage, vent), mais il ne faut pas que l’eau ou le froid soient des freins. Dès lors que nos vêtements nous protègent, ces conditions ne doivent pas nous arrêter. »

Jérôme Legrix-Pages insiste toutefois sur la nécessité de prévoir des zones d’abri, et de surveiller la météo en amont.

7. Utiliser des outils adaptés

« J’utilise des enceintes portables avec haut-parleur ou passe parfois par un appel groupé WhatsApp que les étudiants suivent avec une oreillette, en fonction du réseau disponible, raconte Jérôme Legrix-Pagès qui enseigne des idées à l’IUT Grand-Ouest. Un système d’audioconférence adapté permet d’enseigner même avec un groupe étendu sur 200 mètres. »

L’objectif ? Préserver sa voix, mais aussi favoriser la participation des étudiants, qui deviennent plus attentifs à leur environnement.

8. Adapter l’activité aux besoins spécifiques

Jérôme Legrix-Pagès est également directeur du Centre d’enseignement multimédia universitaire d’Unicaen. - © France université numérique
Jérôme Legrix-Pagès est également directeur du Centre d’enseignement multimédia universitaire d’Unicaen. - © France université numérique

« Il est important de ne pas chercher le conflit ouvert en extérieur : parfois, accepter que le groupe ne réagisse pas est nécessaire, prévient Jérôme Legrix-Pagès. L’objectif n’est pas de créer des situations humiliantes ou gênantes. Par exemple, une étudiante mal à l’aise d’être dehors la nuit a pu participer pleinement à l’activité en venant accompagnée. »

Cette vigilance est aussi partagée par Nathalie Debski, qui témoigne : « Des étudiants en fauteuil roulant ont trouvé que sortir était très intéressant. Ils n’ont pas marché, mais être dans la nature était interpellant. »

9. Accepter l’imprévu

« Comme le souligne Gilles Bougère, professeur émérite en sciences de l’éducation à l’Université Sorbonne Paris Nord, il faut aussi accepter de lâcher prise et ne pas vouloir tout contrôler. Il y a des interstices, des moments hors de notre contrôle, qui deviennent des lieux d’apprentissage. »

Cette capacité à faire avec l’imprévu est, selon Jérôme Legrix-Pages, au cœur de la posture de l’enseignant·e en extérieur.

10. Penser transformation, au-delà de l’expérience

« Pour qu’il y ait transformation, il est nécessaire d’avoir une certaine répétition dans l’expérience vécue, observe Jérôme Legrix-Pagès. Je me souviens d’étudiants avec qui j’ai réalisé des marches pendant cinq jours, alternant des temps de marche et des moments de cours. Ces expériences ont durablement transformé leur approche de l’apprentissage. »