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Classe inversée : tous les conseils pour la mettre en place dès la rentrée

Par Catherine Piraud-Rouet | Le | Pédagogie

Portée par le format hybride - mi-présentiel, mi-distanciel - la classe inversée est un modèle d’apprentissage innovant qui fait de plus en plus d’émules.

Mode d’emploi de la mise en place d’une telle classe dans l’enseignement supérieur, avec l’exemple d’un cours d’algorithmique de L1 MIASHS (Mathématiques et informatique appliqués aux sciences humaines et sociales) à l’Université de Lorraine.

Classe inversée : tous les conseils pour la mettre en place dès la rentrée
Classe inversée : tous les conseils pour la mettre en place dès la rentrée

Anne Boyer est professeure d’informatique et enseignante à l’Institut des sciences du digital management et cognition (IDMC), à l’Université de Lorraine, où la rentrée a eu lieu les 7 et 8 septembre. Elle enseigne l’algorithmique au premier semestre de la L1 mathématiques et informatique appliquées aux sciences humaines.

Pour la deuxième année consécutive, elle propose son enseignement sous le format de classe inversée, en s’appuyant sur l’hybridation des enseignements.

Pour Campus Matin, elle expose sa recette d’une formule innovante, qui séduit un nombre croissant d’enseignants du supérieur et d’étudiants.

Des clés pour réussir l’entrée dans la filière

Anne Boyer construit son dispositif de classe inversée en synergie avec ses collègues - © D.R.
Anne Boyer construit son dispositif de classe inversée en synergie avec ses collègues - © D.R.

L’idée est d’harmoniser les connaissances d’un public de début de L1 assez hétérogène.

« On recense différents bacs, avec des étudiants qui n’ont pas forcément fait d’informatique, témoigne Anne Boyer. Une problématique qui devrait s’accentuer à partir de l’an prochain, avec le nouveau bac, par spécialités libres. Certains étudiants sont aussi issus de la réorientation. »

Objectif visé : qu’à la fin du premier semestre, tous maîtrisent les bases en algorithmique, tout en ayant développé une compétence en apprentissage autonome. Il s’agit, enfin, d’accompagner, plus psychologiquement, les premiers pas, parfois stressants et déroutants, des étudiants à l’université.

« Face un amphi de 150 étudiants, il n’est pas évident, pour un enseignant, d’accompagner chacun au plus près, souligne Anne Boyer. Une difficulté que la classe inversée permet de surmonter. »

Format hybride

Supports de cours en ligne, restitution en amphi

« Afin de permettre aux étudiants de travailler en autonomie, j’ai mis en ligne l’année dernière l’intégralité de mes cours et TD », déclare Anne Boyer. Des supports entièrement rédigés, accompagnés de glossaires, d’éléments méthodologiques, de solutions commentées aux travaux dirigés (TD), de tests de connaissances et de quiz d’auto-évaluation.

«  Ces éléments écrits constituent un support efficace pour les sortants du lycée, qui ne savent pas bien prendre des notes, remarque-t-elle. Mais aussi pour les étudiants étrangers. »

Cette année, la consultation de ces documents est une obligation pour les étudiants. « Ils voient les exercices seuls, à leur rythme, puis je les accueille en amphi resserré, d’une cinquantaine de personnes, où l’on travaille ensemble sur la restitution de ce qu’ils doivent avoir clairement en tête, en m’appuyant sur des quiz », témoigne l’enseignante.

Deux TD en présentiel

S’y ajoutent deux TD en présentiel de 2h par semaine. « Des TD traditionnels, avec un enseignant, suivis de la mise en ligne d’une correction très commentée, pour qu’ils puissent la retravailler  », précise Anne Boyer.

Un TD en autonomie

L’une des spécificités majeures de la formule est un TD de 2h en autonomie par séance de cours, à faire seul chez soi (ou à l’Institut), devant une feuille d’exercices.

« Sur ce créneau, je suis présente en synchrone, à distance, les étudiants ayant toute latitude d’interagir avec moi, informe Anne Boyer. La correction, à travailler également en autonomie, est ensuite fournie. Il s’agit d'échanger ensuite lors du TD suivant sur les points bloquants, les propositions d’autres solutions… ».

Ce TD, l’an passé facultatif, devient obligatoire en 2020. « Souvent, les étudiants me demandaient des exercices supplémentaires pour s’entrainer, mais je me suis rendu compte que certains n’arrivaient pas à s’approprier seuls les informations données, explique-t-elle. D’autant plus que si ce travail en autonomie n’était pas prévu, noir sur blanc, dans l’emploi du temps, cela ne marchait pas. J’ai donc pris le parti de cet accompagnement à distance, obligatoire et encadré… mais en toute liberté !  »

Evaluation transparente

En début d’année, Anne Boyer passe avec les étudiants un contrat d’évaluation, en leur expliquant très précisément comment ils vont être notés.

« Ils sont informés que pour décrocher la moyenne, il suffit de maîtriser les notions de base !  »

Un sommaire en ligne reprend l’ensemble des notions censées être maitrisées à la fin du semestre. Par ailleurs, des fiches d’autoévaluation, que les étudiants peuvent refaire à volonté, sont mises à leur disposition en ligne.

Parcours adaptés en fonction des niveaux

Au terme de deux leçons, tous les étudiants passent (en présentiel) un test visant à déterminer ceux ayant besoin d’un soutien.

Ils bénéficient alors de séances de remédiation en présentiel avec un enseignant référent, par petits groupes, sur les points non acquis. Parallèlement, ceux qui maîtrisent déjà les concepts du cours sont dispensés de TD et affectés à des projets encadrés par un enseignant.

« Ce qui leur permet de mettre en œuvre leurs connaissances dans un exercice de plus grande ampleur. Tout en libérant un espace de prise de parole en TD aux étudiants moins à l’aise », souligne Anne Boyer.

Retour sur les apprentissages

Cette année, Anne Boyer propose à ses étudiants, au terme de ces deux premières semaines, un tableau de bord (Learning Analytics), développé dans le cadre du projet PIA 2 Dune Eole, leur permettant d’avoir un retour sur leur activité d’apprentissage (ressources consultés, quiz faits, etc.). Mais aussi de se positionner par rapport à leurs camarades de promotion.

Il comprend également une partie prédictive, sur le taux de réussite lié à tel ou tel profil d’apprenant.

«  Ils peuvent en discuter pour améliorer leur travail, avec moi, avec leur enseignant référent ou avec leurs pairs  », évoque-t-elle.

Accès facile pour tous à la technologie

Les rares étudiants qui ne disposeraient pas d’ordinateurs portables peuvent avoir accès à du matériel informatique sur place ou s’en faire prêter par l’établissement. Dans tous les cas, l’ensemble des fonctionnalités de la plateforme est accessible par smartphone.

« Une condition indispensable : il ne faut pas que classe inversée rime avec difficulté technique, sous peine de les rebuter et de grever les apprentissages », affirme Anne Boyer.

Ecoute attentive des élève

La L1 est une étape de transition, parfois violente, entre lycée et université. D’où la nécessité d’écouter attentivement les besoins et surtout les inquiétudes des étudiants.

« Le format hybride, ainsi que le fait de mettre une assistance à distance sur un créneau horaire, les aide à oser poser des questions et favorise les échanges », estime Anne Boyer.

Travail d’équipe et adaptation permanente

Le dispositif s’appuie sur une synergie forte entre enseignants, sanctionnée par des réunions régulières.

« Toutes les semaines, on m’envoie un plan d’avancement, je fais une synthèse et nous adaptons ensemble les choses si besoin, déclare Anne Boyer. Notre credo : avancer en fonction des étudiants ! »

Des applications variées

Le même support est ouvert, à distance entièrement, à la fin du semestre 1, aux élèves de L1 en réorientation - notamment les étudiants issus du nouveau programme de PASS (Parcours Accès Santé Spécifique) et n’ayant pas accédé à la deuxième année des études de santé.

Ainsi que pour le tutorat de pré-rentrée en L2, pour les étudiants arrivant d’autres parcours et n’ayant pas fait d’algorithmique, avec uniquement en présentiel quelques heures de questions-réponses et d’exercices récapitulatifs.