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Les savoirs-faire des personnels Tice accompagnent la création de nouveaux médias

Par Marine Dessaux | Le | Pédagogie

Accompagner la réalisation d’un documentaire de recherche, d’une webradio sur l’éducation ou encore de vidéos pédagogiques : les savoirs faire des personnels Tice sont sollicités pour accompagner la création de nouveaux médias au sein de l’enseignement supérieur français. Coup de projecteur sur des projets « inspirants » présentés à l’occasion des journées nationales 2023 de l’Anstia.

Les journées nationales de l’Anstia, du 15 au 17 novembre, portaient sur les nouvelles écritures. - © Anstia
Les journées nationales de l’Anstia, du 15 au 17 novembre, portaient sur les nouvelles écritures. - © Anstia

« Une envie de faire différemment », c’est ainsi que Valérie Billaudeau, maîtresse de conférences en information et communication à l’Université d’Angers, introduit sa collaboration avec Manuel Rouger, technicien audiovisuel du même établissement. Ensemble, ils réalisent à partir de 2017 le documentaire Scoper pour raconter l’histoire d’une librairie-papeterie qui acquiert le statut de société coopérative et participative (Scop).

Florence Sauvebois est enseignante dans le secondaire et rédactrice en cheffe de Kadecol. - © Anstia
Florence Sauvebois est enseignante dans le secondaire et rédactrice en cheffe de Kadecol. - © Anstia

L’idée de « valoriser le travail des enseignants » a, elle, poussé Florence Sauvebois, enseignante agrégée dans le secondaire, à frapper à plusieurs portes jusqu’à celle de l’Institut français de l’éducation (IFÉ), rattaché à l’École normale supérieure (ENS) de Lyon. Là, elle obtient carte blanche pour créer une webradio en 2019.

Accompagnée notamment de Sébastien Boudin, assistant-ingénieur en audiovisuel de l’établissement, elle devient rédactrice en cheffe de la webradio Kadecol qui se décline en quatre émissions de médiation. Si elle s’immerge dans le quotidien des enseignants du secondaire, l’enseignement supérieur est présent, notamment via les interviews de chercheurs en science de l’éducation et de la formation.

Ces témoignages ont été recueillis lors de la table ronde « Nouvelles écritures », au cours des journées nationales de l’Association nationale des services Tice et audiovisuels de l’enseignement supérieur et de la recherche (Anstia) qui se déroulaient du 15 au 17 novembre à l’Université de Rennes.

Trouver l’organisation et le cadre pour permettre à ces projets d’exister

La réalisation du documentaire Scoper s’inscrit au sein des recherches de Valérie Billaudeau. Et qui dit recherche, dit temps long. L’enseignante-chercheuse a accumulé trois ans de matière, résumés en 50 minutes de film ! Il a donc fallu que Manuel Rouger bénéficie de temps et de souplesse pour l’accompagner.

Manuel Rouger est technicien audiovisuel de l’Université d’Angers. - © Anstia
Manuel Rouger est technicien audiovisuel de l’Université d’Angers. - © Anstia

« Nous avions déjà travaillé ensemble sur des projets simples, retrace-t-il. Mais avions-nous le temps pour réaliser celui-ci ? J’étais à l’époque dans un service rattaché à une composante où nous n’étions que trois, malgré cela mon responsable a accepté que je prenne ce temps. Aujourd’hui, un service central a été créé : il regroupe cinq à six personnes et il est plus simple de se répartir la charge de travail. »

À l’IFÉ, Sébastien Boudin possédait les moyens techniques — et l’envie ! — de faire du podcast. Il partage son temps entre la webradio Kadecol et la réalisation de vidéos pédagogiques à l’ENS de Lyon. Mais pour concevoir les émissions, il a fallu se former.

Avec Florence Sauvebois, ils bénéficient de cinq jours de formation au Centre de formation et de perfectionnement des journalistes (CFPJ) de Paris. « Cette semaine a été intense : il fallait que nous rentrions avec une grille de programmes ! », raconte Florence Sauvebois.

Aujourd’hui, l’équipe s’est étoffée : six personnes travaillent sur Kadecol… mais aucune à temps plein ! La coordination s’avère donc un défi. Malgré cela Florence Sauvebois a toujours refusé de passer à plein temps : « Je suis déchargée à mi-temps par le ministère, mais je veux passer l’autre moitié auprès de mes classes. »

Une articulation à trouver entre porteur du projet et expert Tice

Pour Scoper, Valérie Billaudeau a « réalisé 80 % des plans » ainsi qu’un premier montage, peaufiné par Manuel Rouger via le traitement de l’audio, de la colorimétrie, des transitions… « En tant que monteur, je suis là pour traduire ce que Valérie a envie d’exprimer. Mais elle est aussi venue me chercher pour me demander ce que je pensais », rapporte-t-il.

Sébastien Boudin est assistant ingénieur en audiovisuel de l’ENS Lyon. - © Anstia
Sébastien Boudin est assistant ingénieur en audiovisuel de l’ENS Lyon. - © Anstia

Du côté de Kadecol, Sébastien Boudin explique également être dans une posture d’appui technique et de soutien, notamment pour habiller les chroniques. Mais le matériel brut, c’est-à-dire la prise de son, est le plus souvent relevé par Florence Sauvebois : « Il ne faut pas se sentir obligé de tout faire », dit-il.

Néanmoins, l’émission préférée de la rédactrice en cheffe reste celle où elle a été accompagnée d’un technicien pour capter du son 3D : « On a l’impression d’être assis avec les élèves, apprécie-t-elle. Mais nous n’avons pas toujours les moyens de nous déplacer à plusieurs. »

Quel matériel ?

Au-delà de la gestion du temps, Manuel Rouger a dû se pencher sur la question du matériel : « Il a fallu s’assurer d’avoir la machinerie pour traiter 1,5 téraoctet de rushs ! Nous sommes désormais très bien équipés et avons énormément progressé dans la technique. »

Florence Sauvebois a investi dans un enregistreur main, un microperche et, plus récemment, d’un micro-cravate. « Je ne mets pas de micro aux enseignants. Je me promène beaucoup dans la classe et laisse l’enseignement travailler. Le microperche a l’avantage d’être oublié en cinq minutes, notamment parce qu’il me permet de me tenir à distance. »

Des projets à diffuser

Valérie Billaudeau est enseignante-chercheuse de l’Université d’Angers. - © Anstia
Valérie Billaudeau est enseignante-chercheuse de l’Université d’Angers. - © Anstia

« Je souhaite sortir du cercle clos des chercheurs », explique Valérie Billaudeau qui se dit ouverte à tous lieux alternatifs - pourquoi pas un hangar ! - pour projeter Scoper. « J’organise des ciné-débats pour accompagner le contenu du film, répondre aux questions. »

Scoper est également devenu une ressource pour d’autres chercheurs : « Des doctorants voudraient introduire la vidéo dans leurs ressources de thèse », rapporte l’enseignante-chercheuse.

Initialement diffusé uniquement sur le site de l’ENS, Kadecol a bénéficié de peu de lectures ses trois premières années d’existence avant de faire appel au diffuseur Ausha. Aujourd’hui, le podcast est présent sur plusieurs plateformes et compte 30000 écoutes par an, « ce qui est presque ridicule par rapport aux 800000 professionnels de l’éducation en France », nuance Florence Sauvebois.

Une compétition grandissante entre projets !

La rédactrice en cheffe de Kadecol observe que de plus en plus de podcasts sont créés, y compris dans l’enseignement secondaire et supérieur. « Il y a cinq ans, quand nous avons créé Kadecol, nous n’étions que deux podcasts de l’écosystème de l’éducation. Aujourd’hui, il y en a presque vingt. Il y a de tout, notamment des gens qui font parler leurs amis. »… Mais cela montre un intérêt grandissant pour le format ! Dès lors, quelle est la place de la communauté universitaire ?

« Quand des chercheurs interviennent, c’est aussi une opportunité de faire autre chose. La longueur de rush peut paraître démesurée pour des audiovisualistes, mais dans la recherche nous avons l’habitude du temps long : pour l’entretien, le décryptage de contenu, l’article et la publication d’un article, etc. Notre quotidien nous fait travailler différemment de la plupart des productions », relève Valérie Billaudeau.

Finalement, c’est sûrement cette capacité à travailler différemment, à expérimenter de nouvelles écritures qui est la valeur ajoutée du supérieur.

Quid de la pédagogie ?

Au-delà de la recherche et la médiation, la vidéo peut être un outil pédagogique. Gwenaela Caprani, réalisatrice de vidéos indépendante, a tiré de son expérience avec les enseignants — notamment au sein du groupe IGS — un livre de conseils Réaliser une vidéo pédagogique (2021, éditions Gereso). Dans un article, elle en déroulait trois pour Campus Matin. En voici deux autres :

Gwenaela Caprani est réalisatrice indépedante. - © Anstia
Gwenaela Caprani est réalisatrice indépedante. - © Anstia

Séquencer la vidéo par compétences, ce qui facilitera son actualisation. « Il est important de pouvoir faire de la maintenance. Pour cela, on peut s’adresser à la plateforme qui diffuse la vidéo, une solution que propose notamment Ubicast. »

Attention à ne pas en faire trop ! « La vidéo sert une action pédagogique dans le cadre d’un parcours pédagogique plus complexe, elle n’est qu’un élément. Il faut lui demander ce qu’elle sait faire, ni plus ni moins », met en garde Gwenaela Caprani. Pour cela, « Les personnels Tice seront les premiers auditeurs afin de voir si le choix de sujet l’enseignant est pertinent. »

Dans ses cours de sciences de la vie et de la terre, Florence Sauvebois a testé le podcast pour expliquer certaines notions scientifiques. Elle fait le même constat que Gwenaela Caprani  : « Cela ne se prête pas à toutes les matières : en sciences, il manque le visuel. Cela marche mieux pour de l’histoire ou de la philosophie, par exemple. »