Vie des campus

HEC, admis sans les codes : « un film à hauteur d’étudiants » sur le parcours de transclasse


Dans le documentaire « HEC, admis sans les codes » diffusé sur Arte, deux réalisateurs ont donné la parole à trois transfuges de classe qui racontent leurs espoirs et leurs doutes durant leur première année dans la prestigieuse école de commerce. Camille Poulain et Jules Giraudat racontent leur démarche et les objectifs de leur film.

Le documentaire « HEC, admis sans les codes » est diffusé sur Arte depuis le 20 août 2025. - © Canva
Le documentaire « HEC, admis sans les codes » est diffusé sur Arte depuis le 20 août 2025. - © Canva

Comment trouver sa place dans une grande école de commerce française quand on vient d’une famille d’ouvriers ou de la petite classe moyenne ? Vers quel secteur d’activité s’orienter ? Comment rester soi quand on découvre un autre monde ?

Les réalisateurs Camille Poulain et Jules Giraudat, diplômés respectivement d’HEC et de l’ESCP, ont suivi le parcours d’Isabelle, Tom et Victor durant leur première année à HEC Paris dans un documentaire diffusé depuis le 20 août sur la plateforme Arte.

Comment est né ce documentaire ?

Camille Poulain : Nous avons d’abord travaillé sur des projets différents, dont un porté par Jules sur les jeunes au Guatemala. Nous avons alors beaucoup échangé sur nos parcours différents, notamment sur mon passage à HEC.

Camille Poulain est diplômée d’HEC et réalisatrice de documentaires dans la société de production Brotherfilms. - © D.R.
Camille Poulain est diplômée d’HEC et réalisatrice de documentaires dans la société de production Brotherfilms. - © D.R.

Mes parents sont ingénieur et professeur des écoles. Ma mère est une transclasse et une partie de ma famille élève des chèvres. J’ai fait beaucoup d’allers-retours entre le campus et l’élevage. C’est de ces allers-retours qu’est née l’idée du film.

Les récits de transclasses sont très souvent documentés avec beaucoup de recul, vingt ans après, comme chez Annie Ernaux ou Édouard Louis. En discutant avec Jules, nous nous sommes dit que ce serait intéressant de filmer ce changement de monde en direct. D’autant qu’à HEC, ce processus est très accéléré. Qu’est-ce qui se passe dans la tête d’un jeune de 20 ans quand il fait un voyage social ?

Comment se sont organisées les discussions avec HEC ? Puis le choix des étudiants qui apparaissent dans le documentaire ?

Camille Poulain : Nous avons eu beaucoup de discussions avec HEC en amont du documentaire pour présenter le projet. Ils ont adhéré et nous ont laissé une liberté totale. Nous avons eu entièrement accès au campus sans aucune restriction.

Jules Giraudat est réalisateur de documentaire dans la société de production Brotherfilms. - © D.R.
Jules Giraudat est réalisateur de documentaire dans la société de production Brotherfilms. - © D.R.

Jules Giraudat : Nous avons passé huit mois à un an à réaliser des entretiens avec des étudiants ou anciens étudiants d’HEC, ayant eu des parcours de transclasses. Interroger un large un échantillon nous a permis de déconstruire des préjugés que nous pouvions avoir.

Nous avons rencontré entre 30 et 40 personnes, et tout autant de diversité de parcours et de manières de vivre les choses. Jusqu’ici notre vision du transclasse était nourrie par nos lectures : Édouard Louis, Didier Eribon… Là, c’est différent : on est dans une école de commerce, avec des personnes qui se dirigent vers l’industrie ou la finance. Peut-être qu’ils ne se questionnent pas de la même manière.

Seuls les étudiants parlent dans le film, jamais l’école. Pourquoi ?

Camille Poulain : L’idée était d’être d’avoir accès à leur ressenti à eux, sans commentaire, sans voix off. C’est un film à hauteur d’étudiants. C’est leur regard sur ce moment. Il fallait être au plus près de leurs discussions entre eux. Les parents sont là comme personnages secondaires.

Jules Giraudat : Le but n’était pas de raconter ce qu’est HEC, mais de dire ce que ces trois jeunes ressentaient en étant là. Parfois, ils adoraient, d’autres fois ils étaient déçus, et ça évoluait.

Quelles ont été les réactions au documentaire ?

Camille Poulain : Il y a eu beaucoup de réactions. Le film a eu un bon démarrage et a beaucoup circulé, notamment dans les cercles des écoles de commerce. Isabelle, Tom et Victor reçoivent beaucoup de messages de personnes qui se reconnaissent. Ils ont trois manières différentes de vivre les choses.

Jules Giraudat : Même des personnes qui n’ont pas de parcours de transclasse s’y retrouvent. La vingtaine, c’est une décennie de découverte de soi et du monde. Même si ça s’inscrit dans un contexte particulier, leurs questionnements sont assez universels.