Numérique

Bertrand Mocquet, un expert du numérique au parcours d'« anomalie »

Par Marine Dessaux | Le | Pédagogie

Expert du numérique à l’Agence de mutualisation des universités (Amue), enseignant et chercheur, Bertrand Mocquet est un mordu de pédagogie et de technologie. Son parcours peu banal l’a fait passer par de nombreuses fonctions : enseignant en collège, responsable pédagogique en IUFM, vice-président d’université…

Bertrand Mocquet est intervenu dans le cadre des États généraux du numérique pour l’éducation - © D.R.
Bertrand Mocquet est intervenu dans le cadre des États généraux du numérique pour l’éducation - © D.R.

Le numérique : ça a toujours été le cœur de métier de Bertrand Mocquet… Mais sous des formes toujours différentes !

Ses études en Génie électrique, à Polytech Clermont-Ferrand (Réseau Polytech), déjà, il les finançait en donnant des cours d’informatique. « Sortir d’une école d’ingénieurs ne garantissait pas de trouver un travail tout de suite. Alors, quand je vois qu’il y a de la demande pour la formation au numérique, je me dis qu’il doit y avoir de la place dans ce domaine », se remémore-t-il.

En 1996, celui qui se définit comme « le papi du web » tient un cybercafé associatif à Toulouse. Il y démocratise internet. Dans le cadre de Science animation, une association culturelle, il rencontre des universitaires. « À cette époque, quand on fait du web on fait de tout. Je suis alors entré dans l’écosystème toulousain de l’université. »

Débuts à l’université… où il « tire des câbles » !

Collège, université, Amue… Bertrand Mocquet a abordé le numérique et la pédagogie sous bien des formes ! - © D.R.
Collège, université, Amue… Bertrand Mocquet a abordé le numérique et la pédagogie sous bien des formes ! - © D.R.

Bertrand Mocquet devient contractuel à l’institut universitaire de formation des maîtres (IUFM) de Midi-Pyrénées à l’Université Toulouse 2. Il y fait de l’assistance pédagogique la moitié de temps et, l’autre, donne des cours sur internet. « Expliquer la technologie quand on vient de la formation, le projet est beau, sourit-il. Le web, c’est autre chose que le minitel ! Je mesure qu’il va se passer quelque chose, mais je n’entre pas dans la première bulle internet de 1997, je reste dans la formation et cela me va très bien. »

Aux débuts du numérique, pas besoin d’être technicien pour toucher à tout. Être formateur signifie aussi venir avec une perceuse, le samedi matin pour prolonger le réseau ! C’est également améliorer l’ergonomie d’une page du site universitaire, installer des câbles…

D’enseignant à chargé de mission

Bertrand Mocquet se qualifie lui-même comme « une anomalie »… Et il faut dire que son parcours est loin d’être linéaire. Vacataire, il passe en candidat libre le certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement technique (Capet), pendant technologique du Capes. Après avoir gouté au supérieur, il fait donc un crochet par un collège de ZEP en 2000 - 2001.

Mais il retourne vite à l’Université Toulouse 2, toujours au sein de l’IUFM. Il y occupe plusieurs fonctions de coordinateur de formation et responsable pédagogique jusqu’en 2007. « Chaque année, j’accompagne une soixantaine d’étudiants qui préparent le Capet. C’est un exercice usant », témoigne-t-il.

Mettre en place le C2i

Père de trois enfants nés à Toulouse, « un choix de vie personnelle m’amène alors à Perpignan », indique-t-il. L’enseignant est alors repéré et recruté par Jean BenKhelil, président de l’Université de Perpignan Via Domitia qui souhaite mettre en place certificat informatique et internet (C2i) proposé un temps dans les universités pour former étudiants et enseignants au numérique et aujourd’hui remplacé par Pix.

« Je pense que nous, acteurs du C2i, avons contribué à promouvoir la formation au numérique, mais nous n’étions pas totalement audibles, analyse Bertrand Mocquet. Il y a dix ans, on n’était pas prêts pour les questions que l’on soulevait autour du droit notamment. Alors qu’aujourd’hui, c’est un sujet central. »

En 2009, Bertrand Mocquet est contacté par Claude Bertrand, chargé de mission à la direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (Mesri), pour effectuer une mission nationale : manager les C2is (C2i1 et C2i métiers de l’environnement et de l’aménagement durable) en tiers-temps. Le reste du temps, il continue à enseigner, cette fois en tant que professeur certifié affecté dans l’enseignement supérieur (PRCE).

Vice-président en charge du numérique

En 2012, Fabrice Lorente, élu à la présidence de l’Université de Perpignan lui demande de rejoindre son équipe. Il devient vice-président en charge du numérique. « Je choisis de m’accrocher au côté local : je tente de transformer les usages du numérique en interne. Nous créons pl@tinium, la plateforme d’innovation pour une université numérisée, remportons l’Idefi Miro qui sera dirigé par Julien Lugand. En 2016, je suis co-lauréat du prix Peps dans la catégorie ‘soutien à la pédagogie’. Tout va très vite. »

Il vit une expérience contrastée au sein de la gouvernance universitaire. Et décide finalement de ne pas suivre le président pour son second mandat : « Il me fallait partager mon expérience pour grandir », dit-il aujourd’hui.

Une thèse en parallèle

Bertrand Mocquet, qui se décrit comme « un pur produit de la formation tout au long de la vie », peut désormais se concentrer sur sa thèse, qu’il a déjà commencée en parallèle de ses activités de VP et d’enseignant.

« Je me lance dans une thèse parce je me dis que c’est dommage de ne pas pouvoir dire tout ce que j’avais à dire. Lise Vieira, professeure des universités à l’Université de Bordeaux-Montaigne, ma directrice de thèse au sein du laboratoire de recherche Mica (Université Bordeaux Montaigne), m’accompagne très bien. Ce n’est pas facile de suivre quelqu’un qui a une quarantaine d’années ! »

Un ouvrage de Bertrand Mocquet publié aux Presses des Mines, collection Design numérique  - © D.R.
Un ouvrage de Bertrand Mocquet publié aux Presses des Mines, collection Design numérique - © D.R.

Une thèse de doctorat sur «  la gouvernance universitaire et l’évolution des usages du numérique  » qu’il soutient en 2017. « Je suis dans une logique de comprendre et de faire comprendre. J’explique qu’il faut anticiper, arrêter de faire des choix par les outils et se concentrer sur les usages. C’est d’ailleurs quelque chose qu’on a vu avec la Covid. »

La soutenance se déroule devant un jury présidé par le vice-président de l’Universidade Nova de Lisboa, Carlos Correia, Lise Vieira, Jean-François Cerisier, professeur des universités à l’Université de Poitiers, Soufiane Rouissi, devenu depuis VP numérique à Bordeaux Montaigne, et Pierre-Michel Riccio, maître de recherche à l’IMT Mines Ales.

Ce dernier lui propose de publier sa thèse. Nait alors l’ouvrage Gouvernance, numérique et enseignement supérieur. Une immersion dans la #TransfoNumDuSup, dont la préface est signée par Pierre Lévy, membre de l’Académie des sciences canadienne.

Expert numérique à l’Amue

Poussé par l’envie de transformer le numérique dans les universités, Bertrand Mocquet décide de quitter Perpignan pour Montpellier en 2018. Sa rencontre avec Stéphane Athanase, directeur de l’Agence de mutualisation des universités et établissements (Amue) est déterminante. « Je lui dis que je cherche autre chose. De son côté, il explique chercher à faire de la veille prospective des usages avec quelqu’un qui connait bien l’écosystème numérique de l’ESR. »

Expert numérique pour l’Amue, Bertrand Mocquet participe avec David Rongeat, celui qu’il appelle amicalement « un des papas » du logiciel de scolarité Apogée, à créer une collection de publications relatives au numérique.

« Ce projet a trouvé sa place, en prolongation de ce que je souhaitais faire : le numérique de façon différente. Quand je parle de numérique universitaire, je parle aussi d’organisation. Et cette transformation, nous la faisons aussi à l’intérieur de l’Amue, notamment avec la mise en place des MutualLab, qui permettent à des collègues, une heure par mois, de travailler sur des initiatives collectives. »

Un parcours hors sentiers tracés, particulièrement riche

« J’ai connu beaucoup d’environnements différents et c’est une richesse  ! Je peux parler du numérique dans une salle de serveurs jusqu’à la Conférence des présidents d’université. Le numérique universitaire est un tout : tout le monde y contribue, tout le monde est acteur. »

Pour l’instant, Bertrand Mocquet s’épanouit au sein de l’Amue où il se voit rester « au moins pour le prochain plan quinquennal ». Et après ? « Est-ce que je reste une anomalie ou est-ce que je deviens enseignant-chercheur ? J’envisage un autre poste ailleurs ? », s’interroge-t-il.

Ce qui est sûr, c’est qu’il est dans son élément dans le service public d’autant plus qu’il garde un pied dans la recherche au laboratoire de recherche de SHS Mica (Université Bordeaux Montaigne) : « J’ai envie de servir le plus possible. Et en étant à l’Amue, ce que je pouvais dire à une université, je peux désormais le dire à plusieurs ».

Twitter : un outil de travail et de réseau

Avec plus de 5 000 abonnés, Bertrand Mocquet fait partie de ces personnalités du supérieur très présentes sur Twitter. Son implication sur le réseau social a commencé, il y a 10 ans, pendant ses recherches. « Je voyais des choses que je voulais partager, explique-t-il. J’habitais un village des Pyrénées-Orientales, et soudain, je pouvais m’adresser à une communauté immense. »

Une démarche qui vise à produire un témoignage, à garder une trace de nombreuses informations. Pour le chercheur, Twitter est une immense base de données, un outil de travail exploitable à partir de recherches par mots-clés. C’est également un formidable réseau : « C’est grâce à cela que j’ai été repéré par l’Amue ».