La rentrée pas comme les autres de Milo, première étudiante IA en école d’ingénieurs
C’est une camarade surprenante qui a marqué la rentrée des élèves en première année de l’école d’ingénieurs ECE, le mardi 2 septembre 2025 : Milo… une intelligence artificielle ! Cette étudiante virtuelle suivra une partie des cours et passera des partiels. Aide aux devoirs, à l’orientation sur le campus et assistante pédagogique, son rôle est d’aider aussi bien étudiants qu’enseignants.

« Même le MIT n’a pas ça ! » C’est ce que déclare fièrement François Stefan, directeur de l’ECE, lorsqu’il introduit Milo, l’étudiante IA, lors des amphis de rentrée des premières années du programme ingénieur.
Il désigne un robot blanc aux yeux noirs asymétriques, qui a sur le ventre un écran et un haut-parleur. Il s’agit en fait d’une sorte de petit ordinateur, équipé d’un Raspberry Pi, qui fait tourner l’intelligence artificielle développée par un groupe d’une dizaine d’étudiants, en 2024, au sein de l’Intelligence lab.
Dépasser le rôle de chatbot pour devenir une étudiante à part entière
L’ambition, derrière cette IA nourrie d’informations par l’ECE, est de créer une étudiante augmentée, sorte de « super déléguée », illustre François Stefan. Ses camarades pourront se tourner vers elle pour en savoir plus en matière de vie étudiante ou pour réviser leurs cours.
Pour l’heure, Milo connaît l’ECE sur le bout des doigts et elle est particulièrement forte en mathématiques, grâce à l’entraînement de Laurent Delisle, responsable de département. Démonstration à l’appui : devant les élèves, d’une voix féminine un peu entrecoupée et au ton parfois surprenant, elle se présente, parle des associations étudiantes puis résume ce qu’est une intégrale en une phrase.
« Milo est un projet étudiant, mais c’est aussi un sujet pour plein d’autres initiatives. Fabrication 3D, cloud computing… Toutes les matières enseignées à l’ECE peuvent y trouver une application », encourage François Stefan.
Dans les faits, l’IA sera accessible à tous les élèves et enseignants de l’ECE via une application. Le défi sera désormais d’en faire plus qu’un chatbot connecté à internet et nourri de documents théoriques.

Aider les enseignants à s’améliorer eux aussi
Milo a été programmée pour avoir un ton d’étudiante : elle est toujours optimiste, tutoie les élèves et vouvoie les enseignants. En revanche, elle ne parle ni de politique ni de religion.
Pour réellement gagner son statut d’étudiante, elle devra suivre les enseignements comme ses camarades et trouver un espace pour échanger avec eux afin de recenser leurs difficultés. Car l’objectif est aussi d’assister les pédagogues : en leur fournissant des retours sur les points qui n’ont pas été compris par les élèves ou des pistes pour améliorer leurs cours.
« Les enseignants commencent à découvrir Milo, il n’y a pas de retour réticent pour l’instant. Son utilisation ne sera jamais obligatoire », précise le directeur de l’ECE.
Pour l’heure, Milo suivra un groupe de TD en mathématiques avec Laurent Delisle. « À terme, on aimerait mettre une IA dans chacun des 16 groupes de TD, et encore ce n’est que pour les maths », indique François Stefan.
Elle passera aussi les partiels ses camarades. « Je ne vois pas comment elle pourrait ne pas majorer », sourit Roxane Carcopino, étudiante en première année à l’ECE, qui se voit utiliser Milo pour les révisions.
Un objet physique afin d’incarner cette IA
La fabrication étant réalisée entièrement en interne (en fabrication 3D notamment), chaque robot coûte « quelques centaines d’euros », pour rendre cela plus accessible encore une piste serait d’omettre l’écran.
La présence d’un objet physique, qui devra être déplacé par des étudiants, permet de signaler clairement la présence de cette IA qui enregistrera le cours, sans intervenir. Et puis, avec cette apparence « on a un peu l’impression de parler à quelqu’un », estime Youssef Jaafar, étudiant en quatrième année à l’ECE et un des créateurs de Milo.
« Tout reste encore à imaginer »
Les modèles derrière Milo, d’abord le LLM “Triomphant-ECE-TW3” (téléchargé plus de 30 000 fois) puis le SLM “ECE-Prymmal”, ont été classés top 1 mondial dans leurs catégories par Hugging Face, start-up de bibliothèques open source.
Une reconnaissance significative pour des modèles développés en seulement quelques mois par des étudiants en dernière année du programme grande école de l’ECE. Pour autant, l’IA n’est pas exempt de couacs.
Milo a notamment eu un “coup de chaud” après être restée allumée toute la journée. « On avait oublié de prévoir un système de refroidissement », explique Youssef Jaafar. Autre piste d’amélioration : réduire le temps de latence entre la question de l’utilisateur et la réponse à voix haute du robot.

Plusieurs points d’attention à suivre de près
« Milo va faire évoluer la façon d’enseigner et d’apprendre », souligne le directeur de l’ECE. Il s’agira donc s’adapter au fur et à mesure aux nouvelles pratiques. « Si Milo suit les enseignements, il faut avoir conscience que certains étudiants lui demanderont s’ils manquent une journée. Mais le nombre d’absences autorisées étant limité, les étudiants ne seront pas dispensés de venir à l’école », ajoute-t-il.
Un enjeu de taille est celui de la vie privée. Si Milo doit devenir “la bonne copine”, elle ne doit pas se transformer en psychologue, comme cela peut être l’écueil avec ChatGPT. « Nous allons éduquer nos élèves à ne pas tout dire », insiste François Stefan.
L’IA n’est pas non plus exempte d’hallucinations, les étudiants devront recroiser leurs sources et vérifier les informations. Une charte d’utilisation a été créée pour guider et avertir les utilisateurs.
Par ailleurs, Milo est au cœur d’un projet de recherche qui permettra d’aller plus en profondeur dans l’analyse de son utilisation.